Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 3.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 58 —

1672


décoration qu’on puisse imaginer : le Brun avoit fait le dessin[1]. Le mausolée touchoit à la voûte, orné de mille lumières et de plusieurs figures convenables à celui qu’on vouloit louer. Quatre squelettes en bas étoient chargés des marques de sa dignité, comme lui ôtant les honneurs avec la vie. L’un[2] portoit son mortier, l’autre sa couronne de duc[3], l’autre son ordre, l’autre ses masses de chancelier. Les quatre Arts étoient éplorés et désolés d’avoir perdu leur protecteur : la Peinture, la Musique, l’Éloquence et la Sculpture. Quatre Vertus soutenoient la première représentation : la Force, la Justice, la Tempérance et la Religion. Quatre anges ou quatre génies recevoient au-dessus cette belle âme. Le mausolée étoit encore orné de plusieurs anges qui soutenoient une chapelle ardente, qui tenoit à la voûte. Jamais il ne s’est rien vu de si magnifique, ni de si bien imaginé : c’est le chef-d’œuvre de le Brun. Toute l’église étoit parée de tableaux, de devises, d’emblèmes qui avoient rapport à la vie ou aux armes du chancelier. Plusieurs actions principales y étoient peintes. Mme de Verneuil[4] vouloit acheter toute cette décoration un prix excessif. Ils ont tous, en corps, résolu d’en parer une galerie[5], et de laisser

  1. 2. Cette décoration, dessinée par le Brun, chancelier et recteur de l’Académie (ce sont les titres que lui donne la Gazette), a été gravée par le Clerc.
  2. 3. Dans l’édition de 1725, l’une. Au figuré, quelques personnes faisaient le mot squelette féminin, « abusivement, » dit Furetière.
  3. 4. En 1650, les terres de Saint-Liébaut et de Villemor en Champagne avaient été érigées pour le chancelier en duché-pairie.
  4. 5. Charlotte Seguier, fille du chancelier : voyez la note 1 de la lettre 132.
  5. 6. Une galerie de l’hôtel Seguier sans doute. Il était rue de Grenelle, non loin de l’Oratoire ; il avait successivement appartenu au président Baillet, à la veuve du premier prince de Condé (1573) et à son fils Charles comte de Soissons, au duc de Montpensier (1605), au duc