comme on m’a dit que la poste va passer à Ingrande[1], je vais y laisser cette lettre en chemin faisant. Je me porte très-bien : il ne me faudroit qu’un peu de causerie. Je vous écrirai de Nantes, comme vous le pouvez croire. Je suis impatiente de savoir de vos nouvelles, et de l’armée de M. de Luxembourg : cela me tient fort au cœur ; il y a neuf jours que j’ai ma tête dans ce sac.
L’histoire des Croisades est très-belle, surtout pour ceux qui ont lu le Tasse, et qui revoient leurs vieux amis en prose et en histoire ; mais je suis servante du style du jésuite. La Vie d’Origène est divine[2]. Adieu, ma très-chère, très-aimable et très-parfaitement aimée ; vous êtes ma chère enfant. J’embrasse le matou[3].
1675
447. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
J’ai justement reçu ici, ma très-chère, la lettre où vous me croyez une vagabonde sur le bord de l’Océan : peut-on rien voir de plus juste que vos supputations ? Je vous ai écrit sur la route, et même du bateau, autant que je l’ai pu. J’arrivai ici à neuf heures du soir, au pied de ce
- ↑ Sur la rive droite de la Loire, entre Angers et Nantes.
- ↑ L’Histoire de Tertullien et d’Origène est l’œuvre de trois écrivains de Port-Royal : Tillemont, le Tourneux et du Fossé. Elle fut publiée à Paris, en 1675, par ce dernier seul, sous le nom du sieur de la Mothe. Voyez le Port-Royal de M. Sainte-Beuve, tome III, p. 529.
- ↑ On a vu, p. 110 de la Notice, le comte de Grignan désigné ainsi dans un vaudeville.