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1675N’admirez-vous point le bonheur du Roi ? On me mande que Son Altesse mon père[1] est morte, qui étoit un bon ennemi, et que les Impériaux ont repassé le Rhin, pour aller défendre l’Empereur du Turc[2], qui le presse en Hongrie : voilà ce qui s’appelle des étoiles heureuses ; cela nous fait craindre en Bretagne de rudes punitions. Je m’en vais voir la bonne Tarente[3] ; elle m’a déjà envoyé deux compliments, et me demande toujours de vos nouvelles : si elle le prend par là, elle me fera fort bien sa cour. Vous dites des merveilles sur Saint-Aoust[4] : « au moins on ne l’accusera pas de n’avoir conté son songe qu’après son malheur ; » cela est plaisant. Je vous plains de ne pas lire toutes vos lettres : mais quoiqu’elles fassent toute ma chère et unique consolation, et que j’en connoisse tout le prix, je me plains bien d’en tant recevoir.

Le bon abbé est fort en colère contre M. de Grignan : il espéroit qu’il lui manderoit si le voyage de Jacob[5] a été

  1. Charles IV, duc de Lorraine, mourut le 17 septembre (à Birkenfeld, d’une fièvre maligne). Mme de Lillebonne sa fille, en parlant de lui, disait : Son Altesse, mon père. (Note de Perrin.) Voyez la lettre du 4 septembre précédent, p. 112.
  2. La Gazette rapporte, sous la rubrique de Vienne, 12 septembre, que l’on craint bien que l’Empereur ne soit obligé non-seulement à renvoyer en Hongrie les troupes qu’il en a tirées, mais encore la plupart de celles qui sont occupées ailleurs, « l’avis étant venu que le Bassa d’Ofen doit envoyer à Vienne un chiaoux pour y faire de la part du Grand Seigneur de nouvelles propositions désavantageuses et peu raisonnables. »
  3. La princesse de Tarente habitait Château-Madame, dans le faubourg de Vitré. — Ce château, ainsi que son ancien parc planté de hêtres séculaires, appartiennent à la ville de Vitré ; c’est une promenade publique. Voyez les Tablettes de voyage de Mme Monmerqué, Paris, le Doyen, 1851, in-12, p. 26, et la Notice, p. 197.
  4. Voyez plus haut les lettres des 4 et 6 septembre, p. 116 et 120.
  5. C’étaient de petites figures que l’abbé de Coulanges envoyait à M. de Grignan, pour orner un cabinet. — Ce fragment, publié dans l’édition de 1734, a été retranché de celle de 1754, ce qui rendait inintelligible un passage de la lettre du 20 octobre 1675, dans lequel il est question de ces figures. (Note de l’édition de 1818.)