Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
— 192—


1675 de M. de Vins, qui veut me venir voir. Il s’en faut beaucoup que je n’aie peur de ces troupes ; mais je prends part à la tristesse et à la désolation de toute la province. On ne croit pas que nous ayons d’états ; et si on les tient, ce sera pour racheter encore les édits que nous achetâmes deux millions cinq cent mille livres, il y a deux ans, et qu’on nous a tous redonnés [1], et on y ajoutera peut-être encore de mettre à prix le retour du parlement à Rennes. M. de Montmoron [2] s’est sauvé ici, et chez un de ses amis, à trois lieues d’ici, pour ne point entendre les pleurs et les cris de Rennes, en voyant sortir son cher parlement. Me voilà bien Bretonne, comme vous voyez; mais vous comprenez bien que cela tient à l’air que l’on respire, et aussi à quelque chose de plus ; car, de l’un à l’autre, toute la province est affligée.

Ne soyez nullement en peine de ma santé, ma chère belle, je me porte très-bien. Mme de Tarente m’a donné d’une essence qui l’a guérie de vapeurs bien pires que les miennes on en met deux gouttes dans le premier breuvage que l’on boit à table, quinze jours durant, et cela guérit entièrement; elle en conte des expériences qui ont assez de l’air de celles de la comédie du Médecin forcé [3] mais je les crois toutes, et j’en prendrois pré-

  1. Voyez la lettre du 1er janvier 1674, et la Notice, p. 186 et 187.
  2. 6. Il étoit Sévigné, et doyen du parlement de Bretagne. (Note de Perrin.) Voyez tome II, p. 423, note 3.
  3. Le Médecin malgré lui. « Suivant le registre de la troupe de Molière, on joua le 14 septembre 1661 le Fagotier, le 20 avril 1663 le Fagoteux, et enfin le 9 septembre 1664 le Médecin par force. Le Fagotier et le Fagoteux désignent évidemment la même pièce, et le Médecin par force, qui est probablement un autre titre donné au Fagoteux ou Fagotier, indique le même sujet qui est traité dans le Médecin malgré lui. De cet ensemble d’analogies on peut tirer la conséquence que le Fagotier, le Fagoteux et le Médecin par force sont les trois titres d’une même farce que Molière avait composée dans sa jeunesse, qu’il fit jouer de temps en temps sur son théâtre du Palais-