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1675dont on se vantoit dans la jeunesse ? Il me paroît[1] présentement comme le comte de Culagna dans la Secchia[2] ; et pour la figure, n’est-il point justement comme l’on dépeint le Sommeil dans l’Arioste, ou comme Despréaux représente la Mollesse dans son Lutrin[3] ? Mais, ma bonne, on ne peut point vivre longtemps en cet état ; j’en garderai plus soigneusement le portrait que vous m’en faites : il est de Mignard.

Je suis votre exemple pour Mme du Janet[4] ; je veux bien ne me souvenir que de sa bonté, de l’attachement qu’elle a pour vous, et des bonnes larmes que nous avons répandues ensemble. Je vous prie donc de l’embrasser pour moi, et de me mander si mon souvenir lui fait quelque léger plaisir. J’en aurois beaucoup que le mariage de notre fille réussît. Si vous n’avez plus personne auprès de M. de Montausier, faites-y entrer d’Hac-

    temprains ont tracé de lui ; mais Vivonne était brave, son courage ne fut jamais contesté; il avait fait ses. preuves au passage du Rhin et ailleurs. Bussy lui-même, qui ne l’aimait pas beaucoup, dit de lui (Correspondance, tome VI, p. 168) : « Je le regardois comme un homme d’esprit et de courage, qui avoit un fort vilain cœur. » Rien non plus n’autorise à croire qu’il s’agisse du prince de Ligne, vice-roi de la Sicile pour la couronne d’Espagne, et du capitaine général ou stradico, don Luis de Hojo. Le prince de Ligne s’était démis de ses fonctions dès le mois de février 1673, et l’expression présentement, dont se sert Mme de Sévigné, ne conviendrait guère à propos d’une histoire déjà si ancienne.

  1. Dans l’édition de 1754 : « Le prince me paroît. »
  2. Le comte di Culagna est le type du poltron glorieux. Voyez la Secchia rapita du Tassoni, particulièrement chant III, stances XII et XIII, et chant VI, stances X et suivantes.
  3. Voyez l’Arioste, Orlando furioso, chant XIV, stances XC et suivantes, et Boileau, le Lutrin, chant II, à la fin. La première édition des quatre premiers chants du Lutrin fut publiée en 1674 ; il avait paru l’année précédente quelques fragments du 1er chant.
  4. Voyez la note 1 de la lettre du 24 décembre 1673, tome III, p. 327.