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1675elle soupa chez Mme de Richelieu, les uns lui baisant la main, les autres la robe ; et elle se moquant d’eux tous, si elle n’est bien changée ; mais on dit qu’elle l’est. Mme de Coulanges revient, je n’en ai jamais douté.

On ne parle que de cette admirable Oraison funèbre de Monsieur de Tulle ; il n’y a qu’un cri d’admiration sur cette action ; son texte étoit : Domine, probasti me et cognovisti me, et cela fut traité divinement : j’ai bien envie de la voir imprimée[1].

Voilà, ma bonne, ce qui s’appelle causer ; car vous comprendrez toujours que je ne prétends pas vous apprendre des nouvelles de mille lieues de loin. Il y a des commerces qui sont assurément fort agréables. Je vous conseille de mander à M. de Coulanges qu’il vous mande, en mon absence, de certaines bagatelles qu’on aime souvent mieux que les nouvelles générales[2]. On dit qu’il n’est pas vrai que M. de Bailleul[3] vende sa charge ; je pense

  1. Cette oraison funèbre fut prononcée le 30 octobre dans l’église du grand couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques, où reposait le cœur de Turenne. Ce fut Bossuet qui officia. « L’évêque de Tulle, dit la Gazette du 2 novembre, fit l’éloge de ce prince, avec toute l’éloquence et tout l’applaudissement possible. L’assemblée étoit la plus nombreuse qu’on ait vue depuis longtemps, et composée de toutes les personnes de qualité de la cour. » —Le texte de Mascaron est, comme celui que cite ici Mme de Sévigné, emprunté au psaume CXXXVIII ; mais ce n’est pas le verset I : Domine probasti me, etc., « Seigneur, vous m’avez éprouvé et vous m’avez connu ; » c’est le 23e : Proba me, Deus, et scito cor meum, « Eprouvez-moi, grand Dieu (comme traduit Mascaron), et sondez le fond de mon cœur. » — La première édition de l’Oraison funèbre de Turenne est un in-4o de 54 pages, publié en 1676.
  2. Dans les éditions de Perrin : « qu’on aime quelquefois bien autant que les gazettes. »
  3. Louis de Bailleul, marquis de Château-Gontier, fut président au parlement de Paris de 1652 à 1683, et mourut le il juillet 1701. Saint-Simon (tome III, p. 188) dit à propos de lui : « Deux hommes de singulière vertu moururent en même temps le Bailleul, retiré