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1675que sur cela vous direz comme de la bouche de Champlâtreux[1] qui étoit auprès de son œil : « N’est-elle pas aussi bien là qu’ailleurs ? » Est-il vrai que l’armée de Catalogne s’en va punir Bordeaux comme on a puni Rennes[2] ? Je ne crois point à Ruyter : vous avez beau me dire qu’il est sur votre Méditerranée, c’est une vision[3] : ne disoit-on pas la même chose l’année passée sur notre mer ? Vous savez bien que cela étoit faux. Mon fils croit

    depuis longtemps à Saint-Victor dans une grande piété ; étant l’ancien des présidents à mortier, il avoit cédé sa charge à son fils, qu’il avoit longuement exercée avec grande probité. Il étoit fils du surintendant des finances, et frère de la mère du marquis d’Uxelles et de celle de Saint-Germain Beaupré. C’étoit un homme rien moins que président à mortier ; car il étoit doux, modeste et tout à fait à sa place. D’ailleurs, obligeant et gracieux autant que la justice le lui pouvoit permettre. Aussi étoit-il aimé et estimé, au point que personne n’ayant plus besoin de lui, et n’y ayant chez lui ni jeu ni table, il étoit extrêmement visité à Saint-Victor, et de quantité de gens considérables, quoiqu’il ne sortît guère de cette retraite. Il fut aussi fort regretté. Je l’allois voir assez souvent, parce qu’il avoit toujours été fort des amis de mon père. »

  1. Jean-Édouard Molé de Champlâtreux, président à mortier. Il mourut subitement le 6 août 1682. On lit dans les notes sur les membres du parlement, demandées par Foucquet « Molé de Champlastreux est inique, fin, de peu de sûreté, de peu d’amis dans sa compagnie, conservant peu ceux du dehors. A épousé une Garnier dont il est venu d’assez grands biens. Est appliqué à ses divertissements particuliers. Est ami de M. le Bailleul et beau-frère de M. de Braucas. » (Manuscrit de Saint-Victor, n° 1096.)
  2. Lorsque l’armée de Catalogne, commandée par Schomberg, eut terminé la campagne, une partie des troupes qui la composaient fut envoyée contre les insurgés de Bordeaux ; la ville fut occupée le 17 novembre. Sur cette occupation de Bordeaux, sur les désordres que les soldats y commirent, et sur les plaintes du maréchal d’Albret, gouverneur de Guienne, voyez l’Histoire de Louvois par M. Rousset, tome II, p. 197 et suivantes.
  3. Ruyter était encore à Cadix ; il ne se rapprocha de la Sicile qu’à la fin de décembre. Il y a illusion, au lieu de vision, dans l’édition de 1734.