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Mme de Verneuil, pour faire ce qui s’appelle sa cour. Monsieur de Condom n’est point encore consolé de M. de Turenne. Le cardinal de Bouillon n’est pas connoissable ; il jeta les yeux sur moi, et craignant de pleurer, il se détourna : j’en fis autant de mon côté, car je me sentis fort attendrie. Les dames de la Reine sont précisément celles qui font la compagnie de Mme de Montespan[1] ; on y joue tour à tour[2], on y mange ; il y a des musiques[3] tous les soirs. Rien n’est caché, rien n’est secret ; les promenades en triomphe : cet air déplairoit encore plus à une femme qui seroit un peu jalouse ; mais tout le monde est content. Nous fûmes à Clagny : que vous dirai-je ? c’est le palais d’Armide ; le bâtiment s’élève à vue d’œil ; les jardins sont faits : vous connoissez la manière de le Nôtre[4] ; il a laissé un petit bois sombre qui fait fort bien ; il y a un petit bois d’orangers dans de grandes caisses ; on s’y promène ; ce sont des allées où l’on est à l’ombre ; et pour cacher les caisses, il y a des deux côtés des palissades à hauteur d’appui, toutes fleuries de tubéreuses, de roses, de jasmins, d’œillets : c’est assurément la plus belle, la plus surprenante, la plus enchantée nouveauté qui se puisse imaginer : on aime fort ce bois[5]

  1. Dans l’édition de 1734 : « de Quanto, » et en note : chiffre ; dans celle de 1754 « de Madame de M. T. P. » Le nom est imprimé en entier dans les éditions de 1726.
  2. « On y joue à tout. » (Édition de la Haye, 1726.)
  3. C’est le texte de Rouen (1726) et de 1734. L’édition de la Haye (1726) porte : « Il y a de la musique ; » celle de 1754 : « Il y a des concerts. »
  4. Dans l’édition de Rouen (1726) : « du Nostre ; » avec cette note : « Célèbre pour les jardins. C’est lui qui a fait les jardins de Vaux, aujourd’hui Villars, et les Tuileries et Versailles. » L’édition de la Haye remplace le nom, dans le texte de la lettre, par trois étoiles, et commence ainsi la note : « Un nommé le Nostre. » Voyez tome III, p. g, note 13.
  5. Il ne reste plus rien de ce chef-d’œuvre de le Nôtre et de Jules Hardouin Mansart. » Voyez Walckenaer, tome V, p. 195 et 124. — « Le château était à un point que traverse aujourd’hui le boulevard de la Reine, à Versailles ; les jardins.… s’étendaient jusqu’à l’embarcadère actuel du chemin de fer de la rive droite. Il y avait un étang qui a été desséché au dix-huitième siècle. » (Dictionnaire de biographie et d’histoire de MM. Dezobry et Bachelet.)