Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 289 —


1675Paris. Mme de Chaulnes m’a écrit pour me prier de lui venir dire adieu ici : elle devoit venir dès hier, et l’excuse qu’elle prit, c’est qu’elle craignoit d’être volée par les troupes qui sont par les chemins, et aussi que M. de Rohan l’avoit priée d’attendre à aujourd’hui : et cependant chair et poisson se perdent ; car dès jeudi on l’attendoit. Je trouve cela un peu familier, après avoir mandé elle-même positivement qu’elle viendroit. Mme la princesse de Tarente ne trouve pas ce procédé d’un trop bon goût ; elle a raison ; mais il faut excuser des gens qui ont perdu la tramontane : c’est dommage que vous ne sentiez la centième partie de ce qu’ils ont souffert ici depuis un mois. Il est arrivé dix mille hommes dans la province, dont ils ont été aussi peu avertis, et sur lesquels ils ont autant de pouvoir que vous ; ils ne sont en état de faire ni bien ni mal à personne. M. de Pommereuil est à Rennes avec eux tous : il est regardé comme un dieu, non pas que tous les logements ne soient réglés dès Paris ; mais il punit et empêche le désordre : c’est beaucoup. Mme de Rohan et Mme de Coetquen ont été fort soulagées. Mme la princesse de Tarente espère que Monsieur et Madame la feront soulager aussi : c’est une grande justice, puisqu’elle n’a au monde que cette terre, et qu’il est fâcheux, en sa présence, de voir ruiner ses habitants. Nous nous sauverons, si elle se sauve. Voilà, ma très-chère, un grand article de la Bretagne ; il en faut passer par là : vous connoissez comme cela frappe la tête dans les provinces.

Je n’ai pas attendu, ma très-aimable fille, votre lettre pour écrire à M. de Pompone et à Mme de Vins ; j’en avois demandé conseil à d’Hacqueville ; je l’ai fait tout de mon mieux ; il me paroît beaucoup espérer de ce côté-là. Ne vous retenez point quand votre plume veut parler de la Provence : ce sont mes affaires ; mais ne la retenez