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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/31

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et des miens. Fiez-vous donc à lui, ma bonne, et ôtez cette inquiétude des effets de votre tendresse : il vous en reste assez. Pour la proposition d’aller à Grignan, au lieu d’aller en Bretagne, elle m’avoit déjà passé par la tête ; et quand je veux rêver agréablement, c’est la première chose qui se présente à moi que ces jolis châteaux[1] : en reculant un peu celui-ci, il ne sera plus en Espagne ; et le tour que vous me proposez est joli et si faisable, que je m’en vais emporter cette idée en Bretagne, pour me soutenir la vie[2] dans mes bois ; mais pour cette année, mon enfant, l’abbé crie de la proposition en l’air. J’ai des affaires autres que celle de Mme d’Acigné ; j’ai le bon abbé, que je n’aurai pas toujours ; j’ai mon fils, qui seroit bien étonné de me trouver à Lambesc à son retour : je voudrois bien le marier ; mais soyez assurée, ma bonne, que le desir et l’espérance de vous revoir ne me quittent jamais, et soutiennent[3] toute ma santé et le reste de joie que j’ai encore dans l’esprit ; il faut donc saler[4] toutes ces propositions.

Je ne sais ce que vous voulez dire, quand vous croyez que l’abbé se mécompte à votre profit. Ma bonne, comptez mieux si vous pouvez. Vous me serrez le cœur en me disant qu’à l’avenir vous prendrez des mesures plus justes pour me payer : que cela est rude, ma bonne Que trouvez-vous de si extraordinaire, que m’en allant en Bretagne et n’ayant pas besoin d’argent, je remette à l’année

  1. « Que ce joli château. » (Édition de la Haye, 1726.) Celle de Rouen supprime les mots : « en reculant un peu celui-ci, il ne sera plus, » et rattache en Espagne à châteaux.
  2. « Pour me soutenir l’âme. » (Édition de la Haye, 1726.)
  3. « M’inquiète plus que jamais, et soutient, etc. » (Ibidem.)
  4. C’est-à-dire les ajourner, les mettre en réserve pour les exécuter plus tard. L’édition de la Haye ajoute à cette phrase : « pour les retrouver. » Cette même édition est la seule qui donne les deux paragraphes suivants.