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qui vient à prendre cet argent ? Il est cruel que je ne puisse pas retarder un ridicule payement comme celui-là, quand je n’en ai pas besoin et que je promets de le prendre dans un autre temps. Si nous prenions des juges vous seriez bientôt condamnée, et s’il y avoit un peu plus de confiance dans votre amitié, vous comprendriez bien le déplaisir que vous me donnez. Croyez-moi, ma bonne, vous devriez nous laisser faire : quand le bien Bon s’en mêle, vous n’avez rien à craindre ; les nombres et les supputations feront droit, nous reverrons le bienheureux paquet que nous desirons, et puis on aura regret aux gronderies ; mais c’est un des plaisirs de l’éloignement.

Pour la pauvre cassolette, vous me paroissez en colère ; cela n’est pas juste. Songez, ma bonne, que celui qui vous la donne, l’a crue très-belle et très-précieuse, et en cette qualité il vous en fait un présent d’amitié ; c’est ce qui s’appelle un souvenir : il faut toujours regarder à l’intention et régler par là notre reconnoissance. Après tout ce seroit une très-belle chose à Grignan, car le dessin en est admirable et à l’imitation d’une antique de Rome ; mais c’est que l’ouvrier n’est pas si habile que ceux de Paris, et vous comprenez bien que dans votre château on n’y regardera pas de si près. C’eùt été une grande rudesse de le refuser.

J’ai envoyé vos lettres : nous en voudrions avoir à tout moment du chevalier de Grignan, car jusqu’à ce qu’ils aient repassé le Rhin[1], nous serons toujours en peine. Voilà la relation du combat de M. de Lorges[2], où il a fait

  1. « Jusqu’à ce que notre armée ait repassé le Rhin. » (Édition de Rouen, 1726.)
  2. Guy-Aldonce de Durfort, comte de Lorges, depuis duc et maréchal de France, étoit fils d’Élisabeth de la Tour de Bouillon, sœur de M. de Turenne. (Note de Perrin.) Voyez tome III, p. 537, note 17.