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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/318

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1676ait davantage pour penser à la marier. Que dites-vous de l’habile personne dont nous vous parlions la dernière fois, qui ne peut du tout deviner quel jour c’est que le lendemain de la veille de Pâques ? C’est un joli petit bouchon[1] qui nous réjouit fort ;

Cela n’aura vingt ans que dans six ans d’ici[2].

Je voudrois que vous l’eussiez vue les matins manger une beurrée longue comme d’ici à Pâques, et l’après-dînée croquer deux pommes vertes avec du pain bis. Sa naïveté et sa jolie petite figure nous délassent de la guinderie et de l’esprit fichu de Mlle du Plessis.

Mais parlons d’affaires : ne vous a-t-on pas envoyé l’oraison funèbre de M. de Turenne ? M. de Coulanges et le petit cardinal m’ont déjà ruinée en ports de lettres ; mais j’aime bien cette dépense. Il me semble n’avoir jamais rien vu de si beau que cette pièce d’éloquence. On dit que l’abbé Fléchier veut la surpasser, mais je l’en défie ; il pourra nous dépeindre un héros, mais ce ne sera pas M. de Turenne ; et voilà ce que Monsieur de Tulle a fait à mon gré divinement. La peinture de son cœur est un chef-d’œuvre[3], et cette droiture, cette naïveté, cette vé-

  1. Molière a employé ce mot dans un sens analogue (École des Maris, acte II, scène xiv)
    Hai, hai, mon petit nez, pauvre petit bouchon.
  2. Vers d’un sonnet de Benserade écrit, pour le Roi, représentant en 1656 un esprit follet, dans la XIIe entrée du ballet royal de Psyché :
    Cela n’aura vingt ans que dans deux ans d’ici.
    (Œuvres de Bensserade, Paris, 1697, tome II, p. 161.) — Au lieu de six ans, il y a deux ans dans notre manuscrit, comme dans le vers de Benserade. Un peu plus haut, les éditions de 1726 ont prêt, au lieu de cuit ; et pas quinze ans, pour que quinze ans.
  3. Cette peinture est le sujet de la seconde partie de l’Oraison fitnèbre de Mascaron.