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1676rité dont il est pétri, cette solide modestie : enfin tout[1]. Je vous avoue que j’en suis charmée ; et si les critiques ne l’estiment plus depuis qu’elle est imprimée,

Je rends grâces aux Dieux de n’être point Romain[2].

Ne me direz-vous rien des Essais de morale, et du traité de tenter Dieu, et de la ressemblance de l’amour-propre avec la charité ? C’est une belle conversation que celle que l’on fait de deux cents lieues loin. Nous faisons de cela cependant tout ce qu’on en peut faire. Je vous envoie un billet de la jolie abbesse : voyez si elle se joue joliment ; il n’en faut pas davantage pour voir l’agrément de son esprit. Adieu, ma très-aimable et très-chère, je vous recommande tous mes secrets ; je vous embrasse très-tendrement, et suis à vous plus qu’à moi-même.

Je laisse la plume à l’honnête garçon qui est à mon côté droit : il dit que vous aviez trempé votre plume dans du feu en lui écrivant ; il est vrai qu’il n’y a rien de si plaisant.


de charles de sévigné.

Que dis-je, du feu ? c’est dans du fiel et du vinaigre que vous l’avez trempée, cette impertinente plume, qui me dit tant de sottises, sauf correction. Et où avez-vous donc pris, Madame la Comtesse, que je ne fusse pas capable de choisir une amie ? Est-ce parce que je m’étois

  1. Tel est le texte du manuscrit et des deux éditions de Perrin. Dans les impressions de 1726 la fin de la phrase est toute différente : « …Cette vérité dont il étoit pétri ; enfin ce caractère, comme il dit, également éloigné de la souplesse, de l’orgueil, et du faste de la modestie. » Les derniers mots de cette variante sont tirés de Mascaron : « Aussi éloigné…. du faste de la modestie que de celui de l’orgueil. »
  2. Vers de Corneille dans Horace, acte II, scène iii. Mme de Sévigné l’a cité plusieurs fois.