Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/331

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1676poisonne la petite personne qui est ici, que l’on appelle partout la petite favorite de Mme de Sévigné et de Madame la princesse. Elle disoit hier à Rahuel#1 : « J’ai eu une consolation en me mettant à table, que Madame a repoussé la petite pour me faire mettre auprès d’elle. » Rahuel lui répondit avec son air breton : « Oh, Mademoiselle, je ne m’en étonne pas, c’est pour faire honneur à votre âge, outre que la petite est à cette heure de la maison : Madame la regarde comme si elle étoit la cadette de Mme de Grignan. » Voilà ce qu’elle eut pour sa consolation.

Vous avez raison de dire du mal de toutes ces troupes de Bretagne : elles ne font que tuer et voler, et ne ressemblent point du tout à vos moines. Quoique je sois assez content de Madame ma mère et de Monsieur mon oncle, et que j’aie quelque sujet de l’être, je ne laisserai pas, suivant vos avis, de les mettre hors de la maison à la fin de ce mois. Je les escorterai pourtant jusqu’à Paris, à cause des voleurs, et afin de faire les choses honnêtement.

Adieu, ma petite sœur, comment vous trouvez-vous de la fête de Noël ? Vous avez laissé paître vos bêtes#2 : c’est bien fait. Les monts et les vaux sont fréquents en Provence ; je vous y souhaite seulement de jolis pastoureaux pour vous y tenir compagnie. Je salue M. de Grignan : il ne me dit pas un mot ; je ne m’en vengerai qu’en me portant bien, et en revenant de toutes mes campagnes.

de madame de sévigné.

Voilà, Dieu merci, bien des folies. Si la poste savoit de quoi nos paquets sont remplis, ils les laisseroient à moitié chemin. Je vous conterai mercredi un songe.[1][2]

  1. Voyez tome III, p. 294, note 14.
  2. Voyez ci-dessus, p. 319, et la note 2.