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1676 Le grand Béthune disoit quand il eut le coup de canon[1] : « Le gros Saint-Géran est bon homme, honnête homme ; mais il a besoin d’être tué pour être estimé solidement. » Sa femme n’est pas de cet avis, ni moi non plus ; mais cette folie s’est trouvée au bout de ma plume.

La princesse vint hier ici, encore toute foible d’avoir sué. Elle est affligée de la ruine que les gens de guerre lui causent, et du peu de soin que Monsieur et Madame ont eu de la faire soulager. Elle croit que la Monaco contribue à cet oubli, afin de lui soustraire les aliments et qu’elle ne vienne point à Paris, où la proximité de la princesse lui ôte toujours un peu le plaisir d’être cousue avec Madame : leur haine est réciproque. À propos de réciproque, un gentilhomme de la princesse contoit assez plaisamment qu’étant aux états, au bal de Monsieur de Saint-Malo, il entendit un bas Breton qui parloit à une demoiselle de sa passion ; la belle répondoit ; enfin tant fut procédé, qu’il entendit que la nymphe impatientée lui dit : « Monsieur, vous pouvez m’aimer tant qu’il vous plaira ; mais je ne puis du tout vous réciproquer. » Je trouve que fort souvent on peut faire cette réponse, qui coupe court, et qui est en vérité toute la meilleure raison qu’on puisse donner.

Mon fils est allé à Vitré voir les dames ; il m’a priée de vous faire mille amitiés. Je crois que le bon d’Hacqueville réglera le supplément, et puisque Lauzun prendra notre guidon, le voilà monté d’un cran ; il n’est plus qu’à neuf cents lieues du cap[2]. Il a fait ici un temps enragé depuis trois jours : les arbres pleuvoient dans le parc, et les ardoises dans le jardin. Toutes nos pensées de mariage

  1. Devant Besançon, en mars 1674. (Note de Perrin.) — Voyez la lettre du 22 mai 1674, tome III, p. 408, note 3.
  2. Voyez tome II, p. 135.