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1676campagne, et nous avons repleuré M. de Turenne. Le maréchal de Lorges n’est-il point trop heureux ? Les dignités, les grands biens[1] et une très-jolie femme[2]. On l’a élevée comme devant être un jour une grande dame. La fortune est jolie ; mais je ne puis lui pardonner les rudesses qu’elle a pour nous tous.

de corbinelli[3].

J’arrive, Madame, et je veux soulager cette main trem-

  1. LETTRE 520 (revue en partie sur une ancienne copie). — Dans l’édition de 1734 : « les grands noms. »
  2. Geneviève de Frémont, fille de Nicolas de Frémont, seigneur d’Auneuil, garde du trésor royal, et de Geneviève Damon. Le maréchal de Lorges « n’avoit rien, » dit Saint-Simon. Nommé « pour être un des maréchaux de France qui devoient commander l’armée sous le Roi en personne. il falloit un équipage, et de quoi soutenir une dépense convenable et pressée. Cette nécessité le fit résoudre à un mariage étrangement inégal, mais dans lequel il trouvoit les ressources dont il ne se pouvoit passer pour le présent, et pour fonder une maison. Il y rencontra une épouse qui n’eut des yeux que pour lui malgré la différence d’âge, qui sentit toujours avec un extrême respect l’honneur que lui faisoit la naissance et la vertu de son époux, et qui y répondit par la sienne, sans soupçon et sans tache, et par le plus tendre attachement. Il trouva de plus dans ce mariage une femme adroite pour la cour et pour ses manèges, qui suppléa à la roideur de sa rectitude, et qui, avec une politesse qui montroit qu’elle n’oublioit point ce qu’elle étoit née (Bussy l’appelle la fille d’un laquais, voyez la lettre du 20 février 1687), joignoit une dignité qui présentoit le souvenir de ce qu’elle étoit devenue, et un art de tenir une maison magnifique, les grâces d’y attirer sans cesse la meilleure et la plus nombreuse compagnie, et avec cela le savoir-faire de n’y souffrir ni mélange, ni de ces commodités qui déshonorent les meilleures maisons, sans toutefois cesser de rendre la sienne aimable, par le respect et la plus étroite bienséance qu’elle y sut toujours maintenir et mêler avec la liberté. » (Saint-Simon, tome I, p. 247 ; tome IV, p. 41 et suivante.) — La maréchale de Lorges survécut à son mari, mort en 1702.
  3. Ce qui suit est attribué dans notre ancienne copie à l’abbé de la Mousse.