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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/42

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vous savez le reste des vers, Varangeville[1] est secrétaire des commandements de Monsieur, et fort attaché au chevalier de Châtillon. Le chevalier de Lorraine prétend qu’il a sujet de se plaindre de Varangeville ; il le prit avant-hier matin dans une rue, étant suivi de vingt de ses gens, et lui dit : « Si vous continuez de m’offenser, je vous ferai donner vingt coups de bâton, et, si vous me dites un mot, voilà des messieurs (en montrant ses gens) qui vous traiteront comme vous le méritez. » Varangeville répond : « Je n’ai rien à vous dire, Monsieur, avec une si nombreuse compagnie ; » et se va plaindre à Monsieur : il en est écouté et l’autre blâmé. Ce prince[2] avoit prétendu que quand il auroit parlé il feroit chasser Varangeville, et peut-être le chevalier de Châtillon, qui est la clef de la cabale ; et voyant que cela ne tournoit pas comme il l’avoit imaginé[3], il alla après Monsieur à Versailles, et en présence du Roi lui demanda congé de quitter son service, en disant pourtant toutes les obligations qu’il avoit à Monsieur, et qu’il ne serviroit jamais personne après lui ; et prit le Roi pour témoin de sa fidélité pour Monsieur ; mais que voyant qu’il préféroit un petit secrétaire à lui, il ne pouvoit plus être témoin de sa disgrâce, et qu’il s’en alloit où sa destinée le conduiroit. Le Roi, qui rioit en lui-même des orages de cette petite cour, n’interposa point son autorité, et après quelques paroles qu’il ne vouloit point dire en maître, il quitta le

  1. Très-probablement Rocques de Varangeville, qui fut depuis ambassadeur à Venise, et dont la fille a été mariée au maréchal de Villars.
  2. Le chevalier de Lorraine.
  3. Dans le manuscrit : « comme il se l’avoit imaginé. »