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1676pour la messe, et pour dîner chez lui. Mme de Brissac y est venue, on a joué : pour moi, je ne saurois me fatiguer à battre des cartes. Nous nous sommes promenés ce soir dans les plus beaux endroits du monde ; et à sept heures, la poule mouillée vient manger son poulet, et causer un peu avec sa chère enfant : on vous en aime mieux quand on en voit d’autres. J’ai bien pensé à cette dévotion que l’on avoit ébauchée avec M. de la Vergne[1] ; j’ai cru voir tantôt des restes de cette fabuleuse conversion ; ce que vous m’en dîtes l’autre jour est à imprimer. Je suis fort aise de n’avoir point ici mon bien Bon ; il eût fait ici un mauvais personnage : quand on ne boit point, on s’ennuie ; c’est une billebaude[2] qui n’est point agréable, et moins pour lui que pour un autre.

On a mandé ici que Bouchain étoit pris aussi heureusement que Condé[3] ; et qu’encore que le prince d’Orange eût fait mine d’en vouloir découdre, on est fort persuadé qu’il n’en fera rien[4] : cela donne quelque repos. Notre

  1. Voyez la fin de la lettre du 6 mai précédent, p. 439.
  2. C’est-à-dire une confusion, un désordre. Notre manuscrit donne habitude, au lieu de billebaude. Le copiste a sans doute mal lu ce mot, qu’il ne connaissait peut-être pas.
  3. Bouchain, investi le 2 mai, avait capitulé le 11, après cinq jours de tranchée. — « Le gouverneur (de Bouchain) pressé de tous côtés, n’espérant plus de secours du prince d’Orange, craignant les suites d’un assaut, connoissant la vigueur des troupes, et n’attendant aucune défense d’une garnison effrayée et affoiblie, demanda à capituler. Son Altesse Royale (Monsieur, frère du Roi) envoya le comte de Clermont-Tonnerre donner cette nouvelle au Roi, et le lendemain 12, le gouverneur avec la garnison furent conduits à Saint-Omer avec armes, bagage, et une pièce de canon que Monsieur lui accorda pour le disculper. » (Gazette, numéro extraordinaire du 21 mai.)
  4. « Le prince d’Orange marcha à la délivrance de cette place avec quarante mille hommes, et l’on s’attendait à une bataille où l’avantage paraissait assuré aux Français ; mais Louis, qui craignait d’exposer sa gloire à un revers, se contenta de prendre la ville et s’en retourna à Versailles, laissant le commandement à Schomberg. » (Histoire