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1676campagne commence si heureusement que je ne crois pas que nous ayons besoin de la bénédiction, c’est-à-dire de la diversion de notre saint-père le Turc[1].

La bonne Saint-Géran m’a envoyé un compliment de la Palisse. J’ai prié qu’on ne me parlât plus du peu de chemin qu’il y a d’ici à Lyon : cela me fait de la peine ; et comme je ne veux point mettre ma vertu à l’épreuve la plus dangereuse où elle puisse être, je ne veux point recevoir cette pensée, quoi que mon cœur, malgré cette résolution, me fasse sentir. J’attends ici de vos lettres avec bien de l’impatience ; et pour vous écrire, ma chère enfant, c’est mon unique plaisir, étant loin de vous[2] ; et si les médecins, dont je me moque extrêmement, me défendoient de vous écrire, je leur défendrois de manger et de respirer, pour voir comme ils se trouveroient de ce régime. Mandez-moi des nouvelles de ma petite, et si elle s’accoutume à son couvent ; mandez-moi bien des vôtres et de celles de M. de la Garde, et s’il ne viendra point cet hiver à Paris. Je ne puis vous dissimuler que je serois sensiblement affligée, si, par ces malheurs et ces impossibilités qui peuvent arriver, j’étois privée de vous voir. Le mot de peste, que vous nommez dans votre lettre, me fait frémir : je la craindrois fort en Provence. Je prie Dieu, ma chère enfant, qu’il détourne ce fléau d’un lieu où il vous a mise. Quelle douleur, que nous passions


    des Français, de M. Lavallée, tome III, p. 273.) — Sur le camp d’Heurtebise, où la bataille fut en effet sur le point de s’engager, et sur le conseil de guerre que « M. de Louvois fit tenir au Roi, le cul sur la selle, » voyez l’Histoire de M. Rousset. tome II, p. 220 et suivantes, et Saint-Simon, tome IV, p. 43 et suivante.

  1. Voyez la note 9 de la lettre du 29 avril précédent, p. 425. — Cette phrase est tirée du manuscrit. Perrin l’avait omise dans ses deux éditions.
  2. « Quand je suis loin de vous. » (Édition de 1754.)