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1676trouver plus foible, je m’en trouve plus forte. Il est vrai que vous m’auriez été d’une grande consolation ; mais je doute que j’eusse voulu vous souffrir dans cette fumée : pour ma sueur, elle vous auroit un peu fait pitié ; mais enfin, je suis le prodige de Vichy, pour avoir soutenu la douche courageusement. Mes jarrets en sont guéris ; si je fermois les mains, il n’y paroîtroit plus. Pour les eaux, j’en prendrai jusqu’à samedi : c’est mon seizième jour ; elles me purgent et me font beaucoup de bien.

Tout mon déplaisir, c’est que vous ne voyez point danser les bourrées de ce pays ; c’est la plus surprenante chose du monde : des paysans, des paysannes, une oreille plus juste que vous, une légèreté, une disposition[1], enfin j’en suis folle. Je donne tous les soirs un violon avec un tambour de basque qui me coûte quatre sous[2] ; et dans ces prés et ces jolis bocages, c’est une joie d’y voir danser les restes des bergers et des bergères de Lignon[3]. Il m’est impossible, toute sage que vous êtes, de ne vous pas souhaiter à ces sortes de folies.

Nous avons la Sibylle Cumée[4] toute parée, toute habillée en jeune personne ; elle croit guérir, elle me fait pitié. Je crois que ce seroit une chose possible, si c’étoit ici la fontaine de Jouvence. Ce que vous dites sur la liberté que prend la mort d’interrompre la fortune est incomparable : c’est ce qui devroit consoler de n’être pas au nombre de ses favoris ; nous en trouverons la mort moins amère.

  1. Disposition, qualité de qui est dispos, agile.
  2. Perrin a remplacé : « qui me coûte quatre sous, » par : « à très-petits frais. »
  3. Petite rivière, mais fameuse par le roman de l’Astrée. (Note de Perrin.) — Voyez plus haut, p. 453, note 2.
  4. Mme de Péquigny. (Note du même.) — Voyez la lettre précédente, p. 476.