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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/489

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1676Vous me demandez si je suis dévote ; ma bonne, hélas ! non, dont je suis très-fâchée ; mais il me semble que je me détache un peu de ce qui s’appelle le monde. La vieillesse et un peu de maladie donnent le temps de faire de grandes réflexions ; mais ce que j’épargne sur le public, il me semble que je vous le redonne : ainsi je n’avance guère dans le pays du détachement ; et vous savez que le droit du jeu seroit de commencer par effacer un peu Sichée[1]  : vous savez la fable.

Mme de Montespan partit jeudi de Moulins dans un bateau peint et doré, et meublé de damas rouge par dedans, que lui avoit fait préparer Monsieur l’Intendant, avec mille chiffres, mille banderoles de France et de Navarre : jamais il n’y eut rien de plus galant ; cette dépense va à plus de mille écus ; mais il en fut payé bien comptant par la lettre que la belle écrivit au Roi dans le même temps, qui n’étoit pleine, à ce qu’elle lui dit, que de cette magnificence. Elle ne voulut point se montrer aux femmes ; mais les hommes la virent à l’ombre de M. Morant, l’intendant. Elle s’est embarquée sur l’Allier, pour trouver la Loire à Nevers, qui la doit mener à Tours, et puis à Fontevrault[2], où elle attendra le retour du Roi, qui est différé par le plaisir qu’il prend au métier de la guerre. Je ne sais si on aime cette préférence. Je me consolerai facilement de la mort de Ruyter[3], par la facilité qu’il me paroît qu’elle donne à votre voyage. N’est-il pas vrai, vous me priez de vous aimer tous deux ? que fais-je autre chose ? Hélas ! soyez-en bien persuadés, et

  1. Voyez dans Virgile le commencement du quatrième livre de l’Énéide.
  2. Fontevrault n’est qu’à une lieue de la Loire. (Note de Perrin.)
  3. Il était mort le 29 avril, sur son bord, dans la baie de Syracuse, des blessures qu’il avait reçues dans le combat naval du 22. Son corps fut porté à Amsterdam.