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552. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Nemours, vendredi 26e juin.

JE défie votre Provence d’être plus embrasée que ce pays : nous avons de plus la désolation de ne point espérer de bise. Ma chère fille, nous marchons quasi toute la nuit, et nous suons le jour. Mes chevaux témoignèrent hier qu’ils seroient bien aises de se reposer à Montargis : nous y fûmes le reste du jour. Nous y étions arrivées à huit heures[1] ; c’est un plaisir de voir lever l’aurore, et de dire dévotement les sonnets qui la représentent[2]. Nous passâmes le soir voir Mme de Fiennes[3], qui est gouvernante de la ville et de son mari, qu’on appelle pourtant Monsieur le gouverneur : elle me vint prendre à mon

  1. LETTRE 552. — « Nous y étions arrivées le matin à huit heures. » (Édition de 1754.)
  2. Le sonnet de la belle matineuse de Malleville était alors très-admiré (voyez le Recueil des plus belles pièces des poëtes françois, Amsterdam, 1692, tome III, p. 62). Beaucoup de poëtes avaient traité le même sujet. Nous avons vu et cité au tome II, p. 283, et note 4, la fin du sonnet de Voiture.
  3. Le mari de Mme de Fiennes s’appelait Henri Garnier, comte des Chapelles ; il était écuyer ordinaire de la duchesse d’Orléans. « Mme de Fiennes.… s’appeloit autrefois Mlle de Fruges, qui avoit été nourrie fort petite à la cour, où étant devenue vieille fille, elle épousa par amour le fils de la nourrice de la reine d’Angleterre, nommé des Chapelles, sur la réputation qu’il avoit d’être pourvu de plus grandes vertus corporelles que de spirituelles, desquelles elle avoit déjà connoissance. Après son mariage, elle ne voulut pas prendre le nom de son mari, et prit celui de Fiennes, qui étoit celui de sa maison. Elle avoit toujours aimé l’intrigue, se mêlant de tout et se fourrant partout. Monsieur (frère de Louis XIV) avoit grande croyance en elle, et l’entretenoit fort tous les jours. » (Mémoires de Monglas, tome LI, p. 57, année 1658.) — Voyez encore les Mémoires de Mademoiselle, tome III, p. 262-266, et la Correspondance de Madame de Bavière, tome II, p. 201 et 202.