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1676une heure avec l’abbé Têtu (ces sortes de mieux sont quasi toujours traîtres), et tout d’un coup il est retombé dans l’agonie, et enfin nous l’avons perdu. Comme il étoit extrêmement aimable, il est extrêmement regretté.

On assure que Philisbourg est assiégé[1]. La Gazette de Hollande dit qu’ils ont perdu sur la mer ce que nous avons perdu sur la terre, et que Ruyter étoit leur Turenne[2]. S’ils avoient de quoi s’en consoler comme nous, je ne les plaindrois pas ; mais je suis sûre qu’ils n’auront jamais l’esprit de faire huit amiraux[3] pour conserver Messine. Pour moi, je suis ravie dé leur misère : cela rend la Méditerranée tranquille comme un lac, et vous en savez les conséquences. Je reçois une lettre de mon fils, qui est détaché avec plusieurs autres troupes pour aller en Allemagne[4] : j’en suis très-fâchée, et quoiqu’il veuille m’en consoler par l’assurance de venir m’embrasser ici en passant, je ne saurois approuver cette double campagne. Adieu, ma très-aimable et très-chère, le bien Bon vous embrasse, et vous assure de la joie qu’il aura de vous voir.

  1. Philisbourg capitula le 9 septembre, après trois mois de siège.
  2. Voyez, p. 466, la note 6 de la lettre du 26 mai précédent. — Voici ce que dit la Gazette d’Ansterdam du 9 juin : « C’étoit un grand homme assurément, et qui, après Dieu, ne devoit sa fortune qu’à lui seul. Il s’est trouvé en plus de trente batailles ou combats sur mer, et en est toujours sorti glorieux et victorieux, et de son temps il n’y a point eu d’homme au monde sur cet élément qui ait été si grand capitaine que lui ; en un mot, il étoit sur mer ce que M. de Turenne étoit par terre. »
  3. Plaisanterie fondée sur la promotion des huit maréchaux de France qui furent créés peu de jours après la mort de M. de Turenne. (Note de Perrin.)
  4. On envoyait à ce moment même sept bataillons et vingt escadrons au maréchal de Créquy, qui commandait l’armée de la Meuse depuis la mort du maréchal de Rochefort.
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