Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 47 —


———
1675
aient rendu leurs charges ; mais ils ont accompagné le chevalier jusques à Chilly, et ils auront de grands dégoûts pendant cette disgrâce.

La Garde vous a mandé ce que M. de Louvois a dit à la bonne Langlée[1], et comme le Roi est content des merveilles que le chevalier de Grignan a faites. S’il y a quelque chose d’agréable dans la vie, c’est la gloire qu’il s’est acquise dans cette occasion ; il n’y a pas une relation ni pas un homme qui ne parle de lui avec éloge. Sans sa cuirasse il étoit mort : il a eu plusieurs coups dans cette bienheureuse cuirasse ; il n’en avoit jamais porté : Providence ! Providence !

On vint éveiller Monsieur de Reims à cinq heures du matin, pour lui dire que M. de Turenne avoit été tué. Il demanda si l’armée étoit défaite ; on lui dit que non : il gronda qu’on l’eût éveillé, appela son valet coquin, fit retirer son rideau, et se rendormit. Adieu mon enfant : que voulez-vous que je vous dise ?

Je vous envoie cette relation à cinq heures du soir : je fais mon paquet toute seule ; M. de Coulanges viendroit ce soir qui la voudroit copier, et je hais cela comme la mort. J’ai fait toutes vos amitiés et dit toutes vos dou-

  1. 10. Saint-Simon dit positivement (tome VI, p. 179) que Langlée (voyez tome II, p. 455, note 5) mourut « sans avoir jamais été marié. » Il fait mention d’un frère qu’il avait, « singulier ecclésiastique, » et d’une sœur, Mme de Guiscard. La bonne Langlée était sans doute sa mère. Est-ce d’elle qu’il est encore question dans la lettre du 19 janvier 1689 ? Voyez les Mémoires de Mademoiselle, tomes IV, p. 462 (1682) ; II, p. 288 (1653). Voici comment Saint-Simon (tome II, p. 385) parle des parents de Langlée : « Le père s’étoit enrichi, et la mère encore plus. L’un avoit acheté une charge de maréchal des logis de l’armée pour se décorer, qu’il n’avoit jamais faite ; l’autre avoit été femme de chambre de la Reine mère, fort bien avec elle, intrigante qui s’étoit fait de la considération et des amis, et qui avoit produit son fils de bonne heure parmi le grand monde. »