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que les ennemis sont retournés à Trèves, qui est sans gouverneur ; car M. de Vignori[1], allant visiter une batterie, fut renversé par son cheval dans le fossé, dont il mourut sur-le-champ. Le pauvre la Marck[2] et le chevalier de Cauvisson[3] ont été tués : on saura demain les autres. Voilà ce que Sa Majesté a dit ; mais à Paris on dit et on croit savoir que c’est une vraie déroute. Toute l’infanterie a été défaite, et la cavalerie en fuite et en désordre[4].

Mercredi 14e août.

J’ai couru tout le matin pour savoir des nouvelles de la Trousse et de Sanzei : on ne dit rien de ce dernier ; on dit que la Trousse est blessé, et puis d’autres disent qu’on ne sait où il est : ce qui paroît sûr, c’est qu’il n’est pas mort, puisqu’on sait le nom de tant de gens au-dessous de lui. La consternation est grande. Rien n’empêche cette armée victorieuse de joindre Montecuculi, qui a passé le Rhin à Strasbourg[5], où malgré la neutralité, on a

  1. On a prétendu que M. de Vignori, gouverneur de Trèves, avoit ordre de sortir avec la plus grande partie de sa garnison, et de se joindre au maréchal de Créquy pendant le combat ; mais que n’ayant pas pris la précaution de communiquer son ordre à l’officier principal qui commandoit sous lui dans Trèves, sa mort avoit dérangé toutes les mesures du maréchal de Créquy. (Note de Perrin.) —Nous avons suivi pour la fin de cette phrase le texte de 1754 ; voici la leçon de 1734 : «  car M. de Vignori qui l’étoit, allant voir une batterie, son cheval l’a laissé dans un fossé, où il a été tué. »
  2. Henri-Robert Échallard, comte de la Marck. Voyez tome III, p. 293, note 7, et p. 489, note 3.
  3. Louis de Louet de Cauvisson ; chevalier de Malte en 1642 ; il était frère du marquis de Cauvisson, lieutenant de Roi au gouvernement de Languedoc.
  4. Sur cette déroute de Conz-Saarbruck (11 août), et l’héroïque conduite dans Trèves du maréchal de Créquy, qui fut trahi par la garnison et fait prisonnier (6 septembre), voyez l’Histoire de Louvois de M. Rousset, tome II, p. 174 et suivantes.
  5. Cette ville se gouveruoit alors en république, et n’est soumise à la France que depuis le 30 septembre 1681. (Note de Perrin.) Montecuculi avait passé le Rhin le 7 août.