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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/56

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1675
reçu les troupes allemandes[1]. On ne croit pas que Monsieur le Prince puisse joindre[2] notre armée ; il ne se porte pas bien : quelle conjoncture pour lui et pour sa gloire : Duras est seul à cette armée ; il a mandé au Roi, en le remerciant, que son frère de Lorges méritoit bien mieux l’honneur d’être maréchal de France que lui. Les ennemis sont fiers de la mort de M. de Turenne : en voilà les effets ; ils ont repris courage. On ne peut en écrire davantage mais la consternation est grande ici : je vous le dis pour la seconde fois. Mlle de Méri est en peine de son frère, elle a raison : c’est un beau miracle, si la Trousse s’est sauvé de l’état où l’on nous l’a représenté[3]. Nous ne savons point encore la liste des morts : le nombre en est grand, puisque l’on compte sur les doigts ceux qui se sont sauvés. L’état de la maréchale de Créquy est bien affreux, et de la marquise de la Trousse, qui ne savent point du tout ce que sont devenus leurs maris.

  1. « Passé le Rhin à Strasbourg, où l’on s’est déclaré pour lui. » (Édition de 1734.)
  2. Dans l’édition de 1754, on lit commander au lieu de joindre.
  3. « Restaient au centre, sous les ordres du marquis de la Trousse, les deux bataillons des gardes et le bataillon de la Couronne ; ils étaient comme noyés au milieu des flots pressés et tumultueux de l’armée victorieuse. Le premier bataillon des gardes disparut sous le choc d’une masse énorme de cavalerie ; ses débris se relevèrent, essayèrent de se rallier, reçurent un nouveau choc, et furent anéantis. Le second bataillon et celui de la Couronne tinrent ferme ; chargés de.tous côtés, mais faisant partout face à l’ennemi, perdant la moitié de leur monde, mais serrant les rangs à mesure, ils parvinrent à gagner un bois, où ils se jetèrent. Le marquis de la Trousse, moins heureux, fut fait prisonnier. » (Histoire de Louvois, par M. Rousset, tome II, p. 176 et suivante.)