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on voit bien que vous êtes bien jeunes ; » et les rassuroient ainsi. Tout ce que je vous mande est vrai ; je ne me charge point des fadaises dont on croit faire plaisir aux gens éloignés : c’est abuser d’eux, et je choisis bien plus ce que je vous écris que ce que je vous dirois si vous étiez ici. Je reviens à son âme : c’est donc une chose à remarquer, nul dévot ne s’est avisé de douter que Dieu ne l’eût reçue à bras ouverts, comme une des plus belles et des meilleures qui soient jamais sorties de lui. Méditez sur cette confiance générale de son salut, et vous trouverez que c’est une espèce de miracle qui n’est que pour lui : enfin personne n’a osé douter de son repos éternel. Vous verrez dans les nouvelles les effets de cette perte.

Le Roi a dit d’un certain homme[1], dont vous aimiez assez l’absence cet hiver, qu’il n’avoit ni cœur, ni esprit : rien que cela. Mme de Rohan, avec une poignée de gens, a dissipé et fait fuir les mutins qui s’étoient attroupés dans la duché de Rohan. Les troupes sont à Nantes, commandées par Fourbin ; car Vins est toujours subalterne. L’ordre de Fourbin est d’obéir à M. de Chaulnes ; mais comme M. de Chaulnes est dans son Fort-Louis, Fourbin avance et commande toujours. Vous entendez bien ce que c’est que ces sortes d’honneurs en idée, que l’on laisse sans action à ceux qui commandent. M. de Lavardin avoit fort demandé le commandement ; il a été à la tête d’un vieux régiment[2], et prétendoit que ces honneurs lui étoient dus ; mais il n’a pas eu contentement.

  1. Le manuscrit porte : « à un certain homme. »
  2. Du régiment de Navarre, l’un des six vieux. (Note de Perrin.) On appelait ainsi familièrement les six plus anciens régiments de l’armée, et petits vieux les six régiments suivants. Ces douze-là avaient le privilège de ne point changer de nom en changeant de colonel. Voyez l’Histoire de Louvois de M. Rousset, tome I, p. 222-224.