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1675
On dit que nos mutins demandent pardon ; je crois qu’on leur pardonnera moyennant quelques pendus. On a ôté M. Chamillart[1] qui étoit odieux à la province, et l’on a donné pour intendant de ces troupes M. de Marillac[2], qui est un fort honnête homme. Ce n’est plus ces désordres qui m’empêchent de partir, c’est autre chose que je ne veux pas quitter ; je n’ai pas pu même aller à Livry, quelque envie que j’en aie ; il faut prendre le temps comme il vient : on est assez aise d’être au milieu des nouvelles dans ces terribles temps.

Écoutez, je vous prie, encore un mot de M. de Turenne. Il avoit fait connoissance avec un berger qui savoit très-bien les chemins et le pays ; il alloit seul avec lui, et faisoit poster ses troupes selon la connoissance que cet homme lui donnoit : il aimoit ce berger, et le trouvoit d’un sens admirable, et disoit que le général Beck[3] étoit

  1. Celui qui conclut à la mort dans l’affaire de Foucquet (voyez tome I, p. 453 note 11), et qui mourut intendant de Caen cette année-là même (1675).
  2. Probablement celui qui devint le beau-père du fils de Mme de la Fayette : voyez les lettres des 14 et 25 septembre 1689. — Dans l’édition de 1725, il y a Marsillac ; dans celle de la Haye (1726), Martillac.
  3. « De postillon, d’autres (Turenne, par exemple) disent de berger, Beck, devenu soldat, avoit passé par tous les grades militaires, et enfin étoit parvenu à la dignité de maréchal de camp général et de gouverneur du duché de Luxembourg. Sa fortune égaloit celle des plus riches seigneurs ; son nom figuroit parmi les noms les plus illustres de l’Europe. Il excelloit surtout dans la connoissance du théâtre de la guerre et dans la science des postes. » (Désormeaux, Histoire de Louis II, prince de Condé, livre III.) C’était Beck qui commandait à Lens (1648) ; l’archiduc Léopold n’avait que le nom et les honneurs de général. Après de vains prodiges de valeur, « il fut percé de coups, baigné de sang, conduit à Arras, » et mourut peu de temps après, inconsolable de sa défaite. Voyez l’ode de Sarasin Sur la bataille de Lens. — On lit dans les deux éditions de Perrin : le colonel Bec ; dans le manuscrit : le général…. (le nom propre est omis).