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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/63

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1675
Enfin M. de la Trousse est trouvé ; admirez son bonheur dans toute cette affaire. Après avoir fait des merveilles à la tête de ce bataillon, il est enveloppé de deux escadrons, et si bien enveloppé, qu’on ne sait ce que tout cela est devenu : tout d’un coup il se trouve qu’il est prisonnier ; de qui ? du marquis de Grana, qu’il a vu pendant six mois à Cologne[1], et qui l’aime extrêmement[2]. Il a aussi une jolie petite blessure, et pourra fort bien faire ses vendanges à la Trousse ; car il viendra très-assurément sur sa parole ; et pour mieux dire, il sera reçu très-agréablement à la cour. Je n’ai jamais vu tant de soins et tant d’amitiés que tous ses amis lui en ont témoigné : je le plains d’avoir tant de remerciements à faire ; mais n’est-il pas vrai que si on avoit fait exprès une destinée, on n’auroit pas imaginé autre chose que ce qui lui est arrivé ?

Pour le bon Sanzei, nous n’en avons aucune nouvelle : cela n’est guère bon. Le maréchal de Créquy est à Trèves, à ce que l’on dit : ses gens l’ont vu passer, lui quatrième, dans un petit bateau :

On parle d’eaux, de Tibre, et l’on se tait du reste[3]

.

Sa femme est folle de douleur, et n’a pas reçu un mot de lui. Je crois qu’il est noyé ou tué par les paysans en allant à Trèves ; enfin je trouve que tout va mal, hormis la Trousse. Monsieur le Prince s’achemine vers l’Alle-

  1. Où il était sans doute envoyé de l’Empereur ; il le fut auprès du prince d’Orange en 1675.
  2. Dans l’édition de 1754 : « et qui s’étoit lié d’amitié avec lui : vous pouvez penser comme il sera traité. Il a aussi, etc. »
  3. Vers de Corneille (Cinna, acte IV, scène iv), déjà cité plusieurs fois.