Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 92 —


———
1675

436. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE
DE BUSSY RABUTIN.

Trois semaines après que j’eus écrit cette lettre (n° 428, p. 39), je reçus celle-ci de Mme de Sévigné.

À Paris, ce 27e août 1675.

JE fais réponse à deux de vos lettres[1], mon cousin. Dans la première[2], vous me parlez si raisonnablement de la mort de M. de Turenne, qu’il faut avoir un cœur de héros pour savoir le regretter comme vous faites, n’ayant pas toujours été de vos amis. Dans la seconde, vous me louez trop de trouver que j’écris fort bien ; il est vrai que vous êtes un si bon connoisseur, et que vous flattez si peu les gens, que j’ai peine à douter de ce que vous me dites ; cependant je ne sens point que je mérite une si digne approbation.

Vous faites une très-bonne remarque sur la mort prompte et imprévue de M. de Turenne ; mais il faut bien espérer pour lui ; car enfin les dévots, qui sont toujours dévorés d’inquiétude pour le salut de tout le monde, ont mis, comme d’un commun accord, leur esprit en repos sur le salut de M. de Turenne : aucun d’eux n’a gémi sur son état ; ils ont cru sa conversion sincère, et l’ont prise pour un baptême ; et il a si bien caché toute sa vie sa vanité sous des airs humbles et modestes, qu’ils ne

  1. LETTRE 436. Les lettres des 6 et 11 août précédents, p. 7 et 39.
  2. Les premiers mots de la lettre, jusqu’à dans la première inclusivement, manquent dans le manuscrit de l’Institut. À la quatrième ligne, on lit : « qu’il faut avoir le cœur et l’esprit bien faits pour le savoir louer et regretter comme vous faites, » et la phrase finit là. La suivante commence ainsi : « Vous me louez trop, moi ; cependant vous êtes un si bon connoisseur… » et finit par « quoique je ne sente pas, etc. »