Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/135

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plus fâchée. Je leur pardonne ; ils voient leur jolie fille oubliée au bout de trois mois ; mais l’autre dit : Primo amor del cor mio[1] ; voilà sa raison : il ne l’avoit jamais oubliée ; et sans savoir pourquoi, il étoit ravi qu’elle ne fût point mariée. Il faut avoir une espèce de mérite pour conserver un goût comme celui-là. Quoi qu’il en soit, j’entre dans la joie de la mère, et je vois avec plaisir tout ce que la Providence a fait et défait pour en revenir là. On me mande de Provence que notre pauvre comtesse est assez bien. Son fils a pensé mourir de la rougeole ; elle l’a gardé ; elle a été plus heureuse que sage : envoyez-lui de l’eau de Sainte-Reine quand elle vous en demandera. Adieu, Monsieur et Madame : je vous dis toujours : « Aimez-moi, aimez-moi sur ma parole. » Je sais bien ce que je vous dis, et je sens bien comme je vous aime.

Notre bon abbé vous honore et vous assure de ses services ; il a été fort enrhumé : il est mieux, Dieu merci.

1679

760. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME ET À MONSIEUR DE GRIGNAN.

À Paris, ce 8e décembre.

C’est une chose rude, ma très-chère, que d’être fort éloignée des personnes que l’on aime beaucoup[2]. Il est impossible, quelque résolution que l’on fasse, de n’être pas un peu alarmée des désordres de la poste. Je n’eus

  1. 7. Voyez ci-dessus, p. 120.
  2. Lettre 760 (revue sur une ancienne copie). — 1. Dans l’édition de 1734 : « C’est une chose rude, ma très-chère, que d’être fort loin des personnes que l’on aime beaucoup. » Dans celle de 1754 : « C’est quelque chose de rude, ma très-belle, que d’être fort loin, etc. »