Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/242

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1680 moi ce livre ; j’ai quitté Dieu, il m’a abandonné. » Voilà ce qu’il a montré à Bezemaùx et à ses commissaires, avec une pâleur mortelle. Quand on n’a que cela à porter à la Bastille, il vaut bien mieux gagner pays, comme le Roi, avec beaucoup de bonté, lui en avoit donné les moyens jusqu’au moment qu’il s’est enfermé ; car il y a quinze jours qu’il savoit le décret qui étoit contre lui[1] ; mais il en faut revenir malgré soi à la Providence : il n’étoit pas naturel de se conduire comme il a fait, étant aussi foible qu’il le paroît[2]. Je me trompois, Mme de Meckelbourg ne l’a point vu ; et la Tingry, qui revint avec lui de Saint-Germain, n’eut pas la pensée, ni lui aussi[3], de donner le moindre avis à Mme de Meckelbourg : il y avoit du temps de reste ; mais elle l’obsédoit si entièrement qu’il ne connoissoit qu’elle, et elle éloignoit tout le monde de lui[4]. J’ai vu cette Meckelbourg aux filles du Saint-Sacrement[5], où elle s’est retirée. Elle est très-affligée, et se plaint fort de la Tingry, qu’elle accuse de

  1. 38. Ce membre de phrase manque dans le texte de 1754.
  2. 39. Perrin met ici en note la réflexion suivante : « Mme de Sévigné semble avoir, dans ce moment, adopté les bruits ridicules qui couroient sur le sujet de M. de L. Cependant étoit-il croyable qu’une âme comme la sienne fût susceptible des petites misères qui lui étoient attribuées ? et ne falloit-il pas y apercevoir la conduite ordinaire de l’envie et de la malignité, qui, du vivant des hommes du premier ordre, s’appliquent sans cesse à donner quelque atteinte à leur réputation ? »
  3. 40. « Non plus que lui. » (Édition de 1754.)
  4. 41. Mais la T. éloignoit tout le monde de lui, et l’obsédoit au point qu’il ne connoissoit plus qu’elle. » (Ibidem.)
  5. 42. Il y avait deux couvents de filles du Saint-Sacrement : l’un, depuis 1669, dans la rue Cassette (c’est probablement celui dont il est question ici), et l’autre près de la porte Montmartre, dans une maison de la rue des Jeux-Neufs (des Jeûneurs), qu’elles quittèrent cette année-là même. Ces dernières occupèrent plus tard l’hôtel de Turenne.