Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/474

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1680 une pluie contre toute raison. J’ai une robe de chambre ouatée, j’allume du feu tous les soirs, et la Carthage[1] de mes bois est interrompue : cela ne nuit pas à me faire trouver les jours aussi longs que ceux du mois de mai ; mais ne me souhaitez personne, je ne voudrois que ce que je ne puis avoir. Cette furie à la Saint-Jean ne peut pas durer longtemps ; je reprendrai mes amusements, mes livres et mon écritoire : vos lettres très-aimables me font une occupation que j’aime beaucoup mieux que tout ce que vous pouvez imaginer. J’ai un grand dégoût pour les conversations inutiles qui ne tombent sur rien du tout, des oui, des voire, des lanternes où l’on ne prend aucune sorte d’intérêt. J’aime mieux ces Conversations chrétiennes[2] dont je vous ai parlé : je suis très-persuadée que vous connoissez ce livre ; c’est toute la philosophie de votre père[3] accommodée au christianisme ; c’est la preuve de l’existence de Dieu, sans le secours de la foi. Je vous ai entendu parler si souvent sur tout cela, et Corbinelli, et la Mousse, que je me ressouviens avec plaisir de tous vos discours ; cela me donne assez de lumières pour entendre ce dialogue : je vous manderai si cette capacité me conduira jusqu’à la fin du livre.

Vous faites un merveilleux usage de vos Métamorphoses ; je les relirai à votre intention : si j’avois de la mémoire, j’aurois appliqué bien naturellement le ravage d’Erisichton[4] dans les bois consacrés à Cérès, au ravage

  1. Lettre 820. — 1. Les plantations qu’elle faisait aux Rochers. Elle fait allusion à une expression de Mme  de Grignan (voyez les lettres du 14 et du 17 mai précédents, p. 398 et 400).
  2. 2. Voyez la lettre précédente, p. 458, et la note 11.
  3. 3. Descartes.
  4. 4. Voyez les Métamorphoses d’Ovide, livre VIII, fable vii, vers 725 et suivants. La traduction des Métamorphoses par P. du Ryer fut réimprimée en 1680 ; celle de Benserade (en rondeaux), en 1679 ; celle de Nic. Renouard, en 1677, etc. — « Fils de Triopas, roi