Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/55

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1679 qui est fait ; ainsi, ma belle, du bien et du mal mêlés partout : vous ne passerez point le mois de novembre chez vous, mais vous êtes encore gouverneurs. M. de Pompone sent cela comme nous ; je n’ai jamais vu un homme si aimable ; il m’a fort priée de vous faire ses compliments sincères et tendres ; car votre santé[1] et votre absence lui tiennent au cœur.

J’embrasse premièrement M. de Grignan ; je l’admire bien, et vous aussi, ma fille, d’aimer tant mes lettres ; je suis toujours tout étonnée du bien que vous m’en dites ; elles passent si vite chez moi, que je ne sens jamais ni ce qu’elles valent, ni aussi ce qu’elles ne valent pas : telles qu’elles sont, vous n’en aurez que trop, et moi des vôtres, qui font pourtant toute ma consolation ; mais elles sont bien tristes, quand je les compare à ce qu’il y a de meilleur ; je ne vis que pour en venir là.

Mais je reviens[2]. J’embrasse donc M. de Grignan premièrement, et suis fort aise qu’il ait la bonne foi d’avouer que je lui donne bien de la tablature pour savoir bien aimer[3] : qu’il essaye un peu de chanter sur ce ton, principalement sur le soin[4] de votre santé ; car on a beau dire que cela est importun, je ne suis pas trop de cet avis, et tout ce qui tient à la vie de ce que nous aimons, de tout temps ne s’est guère accordé avec la tranquillité. S’il avoit autant aimé Mme  de Saint-Simon[5]

    Provence, que les états avaient été cette année convoqués pour le 4 novembre, mais qu’ils furent différés jusqu’au 14

  1. 9. « Il m’a fort priée de vous dire que votre absence et votre santé, etc. » (Édition de 1754.)
  2. 10. « Je me suis égarée, mais je reviens. » (Ibidem.)
  3. 11. « Que je lui donne de la tablature pour savoir bien vous aimer. » (Ibidem.)
  4. 12. « Pour le soin. » (Ibidem.)
  5. 13. Voyez tome II, p. 16 et note 12, et p. 20. — Dans l’édition de 1734, il n’y a que les initiales : « Mme  de S. S**. »