Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/56

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que je vous aime, j’en demande pardon à son amour, il n’auroit pas été bien en repos de la voir dans l’état où vous êtes[1] ; qu’il examine donc cette vérité : voilà sa leçon d’aujourd’hui, car je me trouve obligée d’être sa maîtresse à aimer. Je l’embrasse donc premièrement ; jamais ne pourrai-je continuer, et embrasser quelqu’un secondement ? Ce sera vraiment Mesdemoiselles ses filles, qui me tiennent au cœur, et mon petit garçon, qui ne m’y tient pas mal aussi, et Paulinette[2] avec tous ses attraits ; et vous, ma très-chère, que vous dirai-je ? Rien du tout, que ce que vous avez la justice de me dire : c’est que vous remplissez[3] toute la capacité de ce cœur que vous trouvez si savant dans l’amitié.


1679

743. DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 18e octobre.

Ma très-chère et très-aimable, je suis venue ici pour plusieurs petites choses ; le bon abbé y est aussi, et se porte très-bien. Une de mes affaires étoit de voir le chevalier de Grignan ; sa vue me toucha sensiblement : je sais l’intérêt qu’il prend à votre santé ; nous en parlâmes fort ; il est digne de comprendre ce que je sens pour vous. Je[4] croyois dire adieu aussi à M. de la Garde ; mais il ne s’en va pas sitôt : il a toujours de ces sortes d’affaires qui me font admirer sa bonté. Nous voilà donc arrêtés à

  1. 14. « Dans votre état. » (Édition de 1754.)
  2. 15. « Paulinote. » (Ibidem.)
  3. 16. « Rien du tout, si ce n’est que vous remplissez, etc. » (Ibidem.)
  4. Lettre 743 (revue en partie sur une ancienne copie). — 1. Cette phrase se lit pour la première fois dans l’édition de 1754.