1681 notre cher Corbinelli : sa fermeté tient un peu du barbare. Comme dans la scène d’Horace et de Curiace[1], notre ami prend sur lui, pour ne jamais blesser la gloire ; et moi je demande permission à la gloire de prendre un peu sur elle pour me donner de la paix et de la tranquillité. On se trouve fort soulagé quand on a mis sur une feuille de papier tout ce qu’on a sur le cœur.
J’ai lu la lettre de M. de Roussillon et votre réponse avec un plaisir extrême ; je les ai admirées chacune selon son mérite. Notre ami en a été ravi comme moi : il n’y a pas un mot dans la vôtre qui ne porte ; on ne voudroit ni en ôter ni en mettre un seul. C’est la pièce la plus parfaite de nos jours ; je l’ai montrée à quelques-uns de nos amis, qui en ont été charmés.
Mme de Montglas a marié sa fille[2] de la maison de Clermont, avec cent mille francs, à un provincial appelé Tomassin. Ce provincial a une espèce de moulin qui s’appelle Saint-Paul : cela donne lieu d’appeler cette jeune femme Mme la comtesse de Saint-Paul, qui est le nom du dernier prince cadet6.[3] de la maison de Longueville. Cette fausseté fait un éclaircissement perpétuel de la vérité, qui est la chose du monde la moins bonne à dire. Quand la belle Madelonne épousa un provincial, c’étoit un Grignan, c’étoit un grand seigneur, il n’y avoit point d’illusion ; mais cette pauvre petite Cheverny n’auroit-elle pas été mieux dans quelque province voi-
- ↑ 4. La troisième scène du second acte. Mme de Sévigné y a déjà fait allusion. Voyez tome I, p. 393, et ci-dessus, p. 158 et 159.
- ↑ 5. Cécile-Claire-Eugénie de Clermont, fille de François de Paule de Clermont, marquis de Montglas, et de Cécile-Élisabeth Hurault, fille et héritière du comte de Chiverny ou Cheverny. Elle épousa, le 2 septembre 1681, Jean-Étienne de Thomassin, conseiller, puis président au parlement d’Aix. Sa seigneurie de Saint-Paul-lez-Durance fut érigée en marquisat par lettres du mois de mars 1682.
- ↑ Bussy a ajouté cadet en interligne.
