Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/47

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1680 il est allé avec le marquis[1] au Maine, où M. de Lavardin et sa grosse petite femme[2] l’ont prié d’aller ; cet abbé[3] nous est demeuré avec votre frère.

Ma fille, il y a des femmes qu’il faudroit assommer à frais communs : entendez-vous bien ce que je vous dis là ? oui, il faudroit les assommer : la perfidie, la trahison, l’insolence, l’effronterie, sont les qualités dont elles font l’usage le plus ordinaire ; et l’infâme malhonnêteté est le moindre de leurs défauts. Au reste, pas le moindre sentiment, je ne dis pas d’amour, car on ne sait ce que c’est, mais je dis de la plus simple amitié, de charité naturelle, d’humanité ; enfin ce sont des monstres, mais des monstres qui parlent, qui ont de l’esprit, qui ont un front d’airain, qui sont au-dessus de tous reproches, qui prennent plaisir de triompher et d’abuser de la foiblesse humaine, et qui étendent leur tyrannie sur tous les états ; comptez combien il y en a dans ceux de Bretagne ; nous y voyons le clergé, la noblesse et le tiers : voilà justement ce que je veux dire ; mettez un cadre à toute cette belle peinture, et vous en ferez le portrait d’une dame que je ne veux pas nommer ; et plût à Dieu qu’elle fût seule[4] dans le monde ! Mais enfin il y a des gens si malades que ce sera un bonheur et un miracle si on n’est point obligé d’en venir aux extrémités. On trouve de la consolation à se plaindre avec moi de ces sortes de malheurs ; et en vérité, j’y entre et je les comprends, ce me semble, mieux que personne[5].

Mon fils m’a rendu compte d’une conversation qu’il

  1. 5. « Le prélat… avec ce marquis. » (Éditions de 1737 et de 1754.)
  2. 6. « Où M. et Mme de Lavardin. » (Ibidem.)
  3. 7. « L’abbé. » (Ibidem.)
  4. 8. Dans notre manuscrit : « qu’il fût seul. » — La phrase qui suit n’est pas dans le texte de 1737.
  5. 9. Voyez tome VI, p. 548 et 559.