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1085. DE MADAME DE SÉVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

A. Paris, ce mercredi 10e novembre.

LES souvenirs que vous avez de notre petite abbaye[1] me vont droit au cœur : il me semble que la tendresse que vous avez pour elle est une branche de celle que vous avez pour moi[2]. Il est vrai que le chevalier nous fit un grand affront pour la dernière fois malgré tout ce qu’il avoit signé sur ce joli séjour, il n’y avoit qu’une apparence d’honnêteté entre eux[3]car dans le fond, il ne l’àimoit point et le serein de son côté ne le ménageoit guère : ainsi nous avions toujours ce sujet de le quereller ; mais, hélas! ma chère enfant, cela n’est que trop fini pour jamais.

Je crois que la santé du chevalier lui permettra d’aller à Versailles; ce sera un grand bonheur pour vous, et pour le marquis, qui y reviendra incessamment. Dormez donc, ma chère enfant, car vous ne devez plus vous inquiéter [4] : tout est à souhait, et pour la sûreté, et pour la réputation naissante du marquis. Le chevalier vous aura fait part de tout le bien que M. de Montégut[5] lui en mande. Voilà ce que vous souhaitiez : il est, avant dix-sept ans, un vieux mousquetaire, et un volontaire qui a vu un fort beau siège, et capitaine de chevau-léger[6]

  1. LETTRE 1085.1. L’abbaye de Livry.
  2. 2. Que la tendresse que vous avez pour ce lieu est une branche de l’amitié que vous avez pour moi. » (Édition de 1754.)
  3. 3. « Il n’y avoit entre eux qu’une apparence d’honnêteté. » (Ibidem.)
  4. 4. « et pour votre enfant, qui doit bientôt y revenir. Dormez donc, ma fille, et ne vous inquiétez plus. » (Ibidem.)
  5. 5. Capitaine de cavalerie dans le régiment de M. le chevalier de Grignan. (Note de Perrin.)
  6. 6. « Un vieux mousquetaire, un volontaire. et un capitaine de chevau-légers. » ( Édition de 1754.)