Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/240

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trouvée en si bonne compagnie. Il appelle mon fils nate dea[1], et il me trouve aussi une espèce de divinité, non de la plèbe degli Dei7. « Et qui n’est pas de la plèbe des Dieux » voyez le prologue de l'Aminta du Tasse, vers 4-

pour moi, je ne me crois qu’une divinité de campagne ; mais voulant rassurer M. de Grignan, qui peut craindre que je ne l’épouse, je l’avertis qu’une autre veuve, jeune, riche, d’un bon nom, l’a épousé depuis deux ans, touchée de son esprit et de son mérite, ayant refusé des présidents à mortier, c’est tout dire; et lui, après avoir été recherché de cette veuve comme il devoit la rechercher, a enfin cédé à l’âge de soixante ans, et a quitté son abbaye pour n’avoir plus d’autre emploi que d’être un philosophe chrétien et cartésien, et le plus honnête homme de cette province. Il est toujours à son château, et sa femme jeune et bien faite ne croit rien de bon que d’y être avec lui. Il est venu voir mon fils et moi ; et si nous sommes fort aises de causer avec lui, nous croyons qu’il est ravi de causer avec nous. Cet homme ne vous déplairoit pas ; il s’appelle présentement M. de Guébriac ; il est venu de quatorze lieues d’ici nous faire une visite. L’idée qu’il a de vous me fait plaisir : je ne pourrois guère m’accommoder d’un mérite qui n’auroit aucune connoissance du vôtre.

Ma chère Pauline, j’ai été ravie de revoir de votre écriture; je craignois que vous ne m’eussiez oubliée dans votre prospérité : c’en est une si grande pour vous que d’être bien avec votre chère maman, et d’en être devenue digne, qu’une petite tête comme la vôtre en pourroit fort bien tourner. Je vous conseille de continuer l’exercice de toutes vos petites perfections, qui vous con-

  1. 6. « Fils d’une déesse. Expression empruntée de Virgile, Enéïde, livre I, vers 582, et ailleurs.