Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/360

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conté ses douleurs, il m’en a dit une partie, et fait espérer l’antre. Il me paroît trompé et dupé sur le bien, et une si grande envie de quitter cette Dorimène [1] que je pourrois deviner cette autre partie, quoiqu’il m’ait fort assurée que l’honneur est sain et sauf : Dieu le veuille[2]Voilà toujours une grande sottise : il y a des choses qu’il faut faire sérieusement et avec connoissance de cause, comme de se marier, par exemple. M. de la Fayette le fut avant-hier lundi le matin[3]  ; il devoit revenir dîner chez sa mère, et souper et coucher chez M. de Marillac. Supposé donc, comme je le crois, qu’il y ait[4] une jeune comtesse de la Fayette, songez que vous entendrez dire à votre enfant : « J’ai dansé toute la nuit avec Mme de la Fayette, j’ai joué au volant et à mille petits jeux, j’ai couru avec cette petite folle de Mme de la Fayette ; »votre imagination sera bien étonnée. Elle est fort éveillée et fort jolie [5]cette jeune comtesse, et le marquis est son premier ami. La nôtre approuve et veut imiter tout ce que fait Monsieur le chevalier : elle l’aime, elle l’estime, elle fait tous les frais de l’amitié; mais sa malheureuse goutte le rend glorieux et comme insensible à toutes ses avances. Adieu, ma chère fille : voilà bien de la causerie ;

  1. 14. Allusion à la « jeune coquette » Dorimène, du Mariage forcé de Molière, qui ne veut se marier avec Sganarelle que pour se mettre à son aise, et dit en parlant de lui à Lycaste, son amant «  C’est un homme que je n’épouse point par amour. »
  2. 15. Mais voyez la lettre suivante, p. 360.
  3. 16. « Comme de prendre femme, par exemple. M. de la Fayette fut marié avant-hier matin lundi 12è. » (Édition de 1754.) René-Armand, marquis de la Fayette, brigadier d’infanterie, épousa Jeanne-Madeleine de Mariliac ; il mourut à Landau au mois d’août 1694, un an après sa mère, sans laisser de postérité mâle : voyez la lettre de Coulanges du 27 août 1695, vers la fin.
  4. 17. « En supposant donc, comme je le crois, qu’il y a, etc.  » (Édition de 1754.)
  5. 18. Les mots et fort jolie ne sont que dans l’édition de 1737.