Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/469

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vous pouvoit nourrir[1] ; mais en cela même il étoit trompé, car vous deveniez quelquefois couperosée, tant votre sang étoit échauffé ; vous contempliez votre essence, comme un coq en pâte : que cette folie étoit plaisante ! vous répondiez aussi à la Mousse, qui vous disoit : « Mademoiselle, tout cela pourrira : -- Oui Monsieur, mais cela n’est pas pourri. » Bon Dieu ! croiroit-on[2] : qu’une telle personne eût été capable de s’oublier elle-même au point que vous avez fait, et d’être une si habile et admirable femme ? Il faùdroit présentement vous redonner quelque amour, quelque considération pour vous-même : vous en êtes trop vide, et trop remplie des autres. Un équipage, des chevaux, des mulets, de la subsistance, enfin vivre non-seulement au jour la journée[3], mais entreprendre des dépenses considérables, sans savoir où trouver le nerf de la guerre : ma bonne, cela n’appartient qu’à vous ; mais je ne comprends point du tout comme vous pourrez faire ; vous devriez songer à Bourbilly[4]  : c’est là que vous trouverez peut-être du secours, après l’avoir espéré inutilement d’ailleurs[5]. Songez-y, ma bonne, je vous en conjure et vous le dis encore une fois. Vos prélats sont admirables, l’un passionné pour ingrate[6] truelle, et l’autre contemplant son essence, car c’est un peu cela, et ne donnant non-seulement aucun secours, mais retranchant comme le Roi une très-légère pension

  1. 19. « A ce qui pouvoit vous nourrir. » (Édition de 1754.)
  2. 20. « Qui croiroit. » (Ibidem.)
  3. 21. « Enfin vivre au jour la journée. » (Ibidem.)
  4. 22. « …….de la guerre : mon enfant, cela n’appartient qu’à vous ; mais je vous conjure de songer à Bourbilly. » (Ibidem.) Voyez la lettre du 22 janvier précédent, p. 427, et celle du 12 février, p. 455.
  5. 23. Tout ce qui suit, jusqu’à la fin de l’alinéa, ne se lit que dans notre manuscrit.
  6. 24. Tel est le texte du manuscrit. Faut-il lire l’ingrate ? » Voyez ci-après, p. 475.