Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/478

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suite d’avoir perdu quatre mille francs : si le corps mort ne reparoit point, ou que la furie du-Rhône l’ait jeté au delà d’Arles, en des bords écartés, la Providence disposera de cet or cousu dans cet habit mouillé, comme du reste.

Je loue fort la résolution de ne point faire venir votre marquis ; c’est le plus sûr : ce voyage est une dépense, une fatigue, uniquement pour contenter votre tendresse ; prenez encore cela sur vous avec tant d’autres choses, et attendez plutôt qu’il soit brigadier ou maréchal de camp que de le faire courir présentement. Beaulieu me mande qu’il est accablé d’affaires, et qu’il s’y donne tout entier. Est-il possible qu’il ait vu Mme de la Fayette avant Mme de Vins ? Je le blâme tout à fait, et j’en suis jalouse comme vous ; car très-souvent je me trouve à votre place. Toutes sortes dé raisons dévoient le faire courir chez Mme de Vins : elle m’écrivit l’autre jour qu’elle avoit une vraie envie de le voir, et d’observer la différence et le passage de l’enfance à la jeunesse. Il a été chez Mme de Lavardin ; il aura le temps d’y retourner.

Voilà donc un voyage tout précipité de M. de Grignan : il est bien difficile que ces courses n’arrivent souvent, quand on commande seul dans une province, soit pour le service du Roi, soit pour conserver l’honneur de sa charge. Vous n’êtes jamais bien entrée dans cet intérêt que pour M. de Grignan, cela est assez naturel ; mais cet exemple devoit s’étendre plus loin. Parlons de M. le cardinal de Forbin[1] : le courrier qui a porté la nouvelle de

  1. 2. Sobieski, croyant avoir des obligations à Toussaint de Forbin Janson, demanda pour lui le chapeau de cardinal, en 1676 (voyez tome IV, p. 557 et la note 17). Mais il écrivit au pape quelques années après, pour l’engager à n’avoir aucun égard à sa recommandation. Innocent XI disait même au cardinal Ottoboni, qui le pressait de donner le chapeau à l'évêque de Beauvais, « qu’il n’avoit garde de le faire cardinal, parce qu’il savoit qu’il avoit travaillé à faire venir les Turcs en Hongrie et en Pologne. » Après la mort du pape, Louis XIV