Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/527

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J’en use avec Mme de Lavardin comme je fais avec vous, ̃ et je la paye ainsi de la bonté qu’elle a de m’écrire toutes les semaines.

Ma fille est en Provence avec son mari. Son fils est à la gueule au loup[1], comme le vôtre : il est à la tête du régiment de Grignan. Cette place l’auroit contenté dans dix ans, jugez de sa joie de l’avoir à dix-sept. Je suis tranquillement dans cette solitude, où j’ai eu l’honneur et le plaisir de voir M. de Termes. Ces endroits de la vie ne s’oublient point. Il y a bien ici des beautés présentement qui n’y étoient pas en ce temps-là, et il y en avoit alors qui n’y sont plus. Je suis de votre avis sur ce que vous me dites de lui : je le trouve dans le passé et dans le présent comme vous le trouvez. Quand j’ai pris son parti dans les occasions, j’étois juste et je le serai toujours pour lui. Je suis ravie qu’il se souvienne de moi agréablement ; je suis bien de même pour lui. Vous êtes très-heureux d’être en si bonne compagnie ; celle que j’ai ici ne vous déplairoit pas. Mon fils a bien de l’esprit, et d’un esprit cultivé qui réveille le mien. Sa femme en a beaucoup aussi, et surtout une intelligence vive, qui surprend, et qui fait croire qu’elle a passé sa vie dans le monde, quoiqu’elle ne soit jamais sortie de cette province. Jugez si je puis être mieux. Cependant je compte d’être cet hiver à Paris, et de vous aimer toujours, mon cher cousin, par bien des raisons. En voici une : MARIE DE RABUTIN.

DE CHARLES DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY.

Le marquis de Sévigné m’écrivit ceci à la fin de la lettre de sa mère :

MA mère vous dit beaucoup de bien de moi, Monsieur ; je n’en suis point fâché, parce que je suis à cent lieues de

  1. 8. Dans plusieurs des éditions antérieures : « à la gueule du loup. »