24e juin[1] il souffrit encore tout ce qu’on peut Souffrir. Il avoit le côté ouvert, et [il] en étoit sorti un abcès et une partie de son foie, qui est gâté. Ce pauvre garçon est résigné, et prie Dieu, et lui demande miséricorde, et puis il parle de sa chère maîtresse, qu’il eût bien voulu revoir encore une fois, et lui rendre encore ses services ; il me recommande sa femme et son fils; il me demande pardon ; des grosses larmes lui tombent des yeux, et à moi aussi ; je ne suis pas propre à soutenir cette pensée, et cet état d’un garçon si digne de mon affection, si fidèle, si digne de ma confiance, si attaché à moi. Il étoit aimable, vous le savez, et se faisoit aimer de tout le monde. Il me sembloit que pourvu qu’il se mêlât de mes petites affaires, je n’avois rien à craindre, et qu’elles iroient toujours bien. En effet, comme elles ne passoient point sa portée, il les conduisoit avec une honnêteté, une adresse et une exactitude admirables. Je ne pouvois faire une plus incommode perte dans mon petit domestique. Il faut se soumettre.
Monsieur de Carcassonne, Mlle de Méri, l’abbé Bigorre, Corbinelli, ont eu des bontés et des charités pour lui au delà de ce que vous pouvez vous imaginer ; mais ce qui passe tout, c’est la bonne Mme Poirier[2], qui ne quitte point ce pauvre petit ménage affligé[3] qui prend soin d’Hélène[4] qui est morte de douleur : elle la soutient ; elle
- ↑ 3. Le manuscrit donne samedi 28 juin. Il y a là une faute évidente du copiste : il faut ou « » mercredi 28è juin, » ou, ce qui est la leçon probable : « samedi 24è juin- ».
- ↑ 4. Femme du valet de chambre du chevalier de Grignan. Voyez ci-dessus, p. 448, note 3.
- ↑ 5. Dans l’édition de 1827 on avait cru devoir couper ici la phrase dans l’intérêt de la clarté, et changer le qui suivant en elle. A la ligne suivante, on avait substitué soigne à prend soin de ; quatre lignes après, très à bien; et tout à la fin de la lettre, monde-ci à monde ici.
- ↑ 6. Hélène, l’ancienne femme de chambre de Mme de Sévigné,