1294- DE MADAME DE, SÉVIGNÉ
A MADAME DE GRIGNAN.
[Aux Rochers, fin de juillet au commencement d’août[1]]
ON est tout étonné, à Paris[2] et à Versailles, du retour de ce pauvre roi d’Angleterre[3]3. Le nôtre continue ses générosités d’une manière héroïque. On ne sait point encore au vrai ce qui s’est passé en Irlande. Je vous envoie le petit Bigorre; il est joli, c’est tout ce qu’on en savoit quand il m’a écrit; vous en saurez des nouvelles quand nous en saurons. Je ne crois pas que j’aie grand honneur à cette bataille[4] 4 je ne soutiens point bien le royaume d’Irlande, que Mme de Vins et vous m’aviez tant recommandé.
Elle me manda la jolie action du chevalier de Pompone, parce qu’elle sait bien la belle passion que j’ai pour le père. Pour moi, qui suis une pleureuse, je ne cessai d’avoir le gosier serré et les larmes aux yeux en
- ↑ LETTRE 1294 (revue sur une ancienne copie). 1. Ce fragment, non daté dans le manuscrit, l’est approximativement par la mention du retour de Jacques II. Voyez la note 3.
- ↑ 2. Les mots « à Paris et, » avaient été sautés dans la première édition (1827).
- ↑ 3. Jacques It était revenu à Saint-Germain le a5 juillet. « Ceux qui aiment le roi d’Angleterre, écrivait à Louvois le maréchal de Luxembourg, doivent être bien aises de le voir en sûreté; mais ceux qui aiment sa gloire ont bien à déplorer le personnage qu’il a fait. » Voyez l’Histoire de Louvois de M. Rousset, tome IV, p. 423
- ↑ 4. La bataille de la Boyne, perdue par le roi Jacques le 11 juillet 1690 (voyez la Gazette, p. 391 et 400). Ce ne fut pas une bataille, mais, comme dit M. Rousset (tome IV, p. 428), « une échauffourée suivie d’une déroute. Il n’y eut, sur un seul point, qu’une sorte de petit combat, où, par hasard, le duc de Schomberg fut tué. » Dès les premières décharges la moitié des Irlandais avait pris la fuite, et Jacques II ne fut pas le dernier à prendre ses sûretés. Il gagna le port de Kinsale et se jeta dans une frégate française, qui le conduisit sain et sauf à Brest.
