fort noble seigneur, mais n’avait aucune des qualités qui peuvent rendre une femme heureuse. Prodigue, et passionné pour le plaisir, il dissipa une bonne partie de son bien, et délaissa sa femme pour des maîtresses. Il était d’autant plus difficile de lui pardonner ses infidélités et ses désordres, qu’il joignait à son goût pour la dissipation une humeur brusque et un caractère rude et difficile. Cependant non-seulement madame de Sévigné resta sévèrement attachée à ses devoirs d’épouse, mais même l’affection qu’elle avait conçue pour son mari ne put s’éteindre. « Le marquis de Sévigné, dit Conrart dans ses Mémoires, disait quelquefois à sa femme qu’il croyait qu’elle eût été très-agréable pour un autre ; mais que pour lui, elle ne pouvait lui plaire. On disait aussi qu’il y avait cette différence entre son mari et elle, qu’il l’estimait et ne l’aimait point, au lieu qu’elle l’aimait et ne l’estimait point. En effet, elle lui témoignait de l’affection : mais, comme elle avait l’esprit vif et délicat, elle ne l’estimait pas beaucoup, et elle avait cela de commun avec la plupart des honnêtes gens ; car, bien qu’il eût quelque esprit et qu’il fût assez bien fait de sa personne, on ne s’accommodait point de lui, et il passait presque partout pour fâcheux ; de sorte que peu de gens l’ont regretté. » Cette union si mal assortie ne dura que sept années. Le marquis de Sévigné et le chevalier d’Albret courtisaient en même temps madame de Gondran. Cette rivalité amena une rencontre, dans laquelle le premier s’enferra sur l’épée de son adversaire. La blessure était mortelle : il expira peu de temps après le combat, le 5 février 1651. Dans les années 1649 et 1650, le marquis de Sévigné s’était enrôlé parmi les frondeurs. Le cardinal de Retz, son parent, l’avait entraîné sans peine dans une révolte qui donnait carrière à son humeur inquiète et turbulente. Il avait combattu quelque temps pour la Fronde aux côtés du chevalier Renaud de Sévigné, son oncle, qui commandait le fameux régiment de Corinthe, levé par le coadjuteur pour le parlement.
On n’a qu’un très-petit nombre de lettres écrites par madame de Sévigné pendant son mariage et les premières années de son veuvage ; mais dans ces quelques lettres, on remarque déjà cette facilité, cette vivacité spirituelle, cette grâce ingénieuse et délicate qui l’ont immortalisée. En 1647, elle écrivait à son cousin, le comte Bussy de Rabutin : « Je vous trouve un plaisant mignon, de ne m’avoir pas écrit depuis deux mois : avez- vous oublié qui je suis, et le rang que je liens dans la famille ? Oh ! vraiment, petit cadet, je vous en