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Page:Sacher-Masoch - L’Ennemi des femmes, 1879.djvu/25

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L’ENNEMI DES FEMMES

Les visiteurs furent introduits dans le salon de réception.

Diogène s’y trouvait, comme un souverain toujours prêt à donner des audiences. La présentation se fit dans les formes usuelles.

Constantin n’était pas précisément un grand observateur. Il était d’ailleurs dans des dispositions sentimentales qui rendent l’émotion facile et rapide ; les récits enthousiastes que ses deux amis avaient faits de l’omniscience et de l’omnipuissance de Diogène lui donnaient une timidité que le philosophe comprit et aspira comme un premier hommage.

Diogène était de taille moyenne, mais avait une façon de se tenir et de se redresser qui le parait, à certaines minutes, d’une véritable majesté. Sa taille était svelte, sa tête d’une rectitude de lignes presque agaçante ; l’œil brun et brillant avait une curiosité vague, un peu inquiète, mais qui passait pour la préoccupation d’un contemplateur toujours aux aguets. Le front était élevé, la bouche bien dessinée ; une moustache et une barbiche accentuaient cette physionomie agréable un peu pâle. On se sentait en présence d’un homme d’esprit malicieux, abusant de l’esprit et de la malice, ayant la fatuité de son ironie, et jouant avec lui-même, comme avec les autres ; gesticulant d’une main fine, ecclésiastique, dont les ongles étaient toujours soigneusement maintenus à la même ligne que la chair, pour mieux éloigner l’idée de griffes dans un homme dont la langue égratignait sans cesse.