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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/272

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LA FEMME SÉPARÉE

ne pas me livrer aux soins d’un étranger, d’un inconnu.

— Mezischewski n’est pas un étranger pour moi, dis-je d’une voix aigre.

Julian ne dit plus rien. Mezischewski commença par défendre à Julian de me toucher, même de m’embrasser. Une émotion, prétendit-il, pourrait entraîner la mort. Julian supporta ce sacrifice sans une plainte, triste, mais soumis. Quand il venait me voir, il me trouvait couchée sur un divan, vêtue d’une robe de soie noire montant jusqu’au menton, ou bien dans une robe de chambre écossaise, à carreaux rouges et noirs. La kasabaïka dont il se plaisait autrefois à m’envelopper était toujours accrochée à la psyché, grise de poussière. Julian s’asseyait dans un coin, me racontait mille choses, s’efforçait de m’amuser, jusqu’à ce que Mezischewski vînt. Il prenait son chapeau alors, et s’éloignait. Il allait travailler pour moi.

Encore un détail piquant de cette époque à ajouter à l’histoire naturelle de la femme.

Un jour, on nettoyait la cuisine chez moi. L’avant-veille, j’avais manifesté devant mes amis l’intention de faire chercher mes repas à l’auberge voisine. Vers quatre heures, un fiacre s’arrêta devant la maison, m’apportant un dîner exquis, commandé au premier hôtel de la ville et qui était encore tout chaud.