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XII

FLÈCHE D’AMOUR

Le monde entier ne vaut point vos appas.
VOLTAIRE (la Pucelle).

Zésim revenait du champ de manœuvre, un peu fatigué et mécontent, et passait avec l’indifférence d’un aveugle le long des brillants magasins, des élégantes, dont les robes l’effleuraient. Tout à coup, une voix claire et charmante retentit de l’autre côté de la rue ; le jeune officier s’arrêta, et Anitta, suivie de sa vieille femme de chambre, vint à lui d’un pas rapide et joyeux.

« Que je suis heureuse de vous rencontrer ! dit-elle, en lui tendant sa petite main, nous allons aujourd’hui à l’Opéra ; vous y viendrez aussi, n’est-ce pas ?

— Pour sûr, du moment que je sais que vous y serez.

— Et vous viendrez nous voir dans notre loge ?

— Puisque vous le permettez.

— Oh ! certainement. »

Zésim fit mine de prendre congé de la jeune fille.

« Avez-vous du service ? demanda Anitta. Pourquoi partez-vous si vite ? Accompagnez-moi au moins jusqu’à la promenade.

— Avec plaisir. »

Ils marchaient l’un à côté de l’autre et causaient sans souci et familièrement. Au milieu de la promenade, là où les bosquets touffus faisaient une espèce d’abri contre les regards curieux, Anitta s’arrêta.

« Maintenant, vous pouvez vous en aller, mais n’oubliez pas de vous trouver à sept heures auprès de l’escalier ; j’ai une si jolie toilette ! »