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LA FEUILLE BLANCHE

Mlle Gaussin qui jouait avec les dentelles de sa manche, et en te tuant en duel.

— Tu serais capable… ? balbutia Saint-Renaud, pétrifié d’horreur.

— Oui ! je serais capable. Mais ne t’agite pas inutilement, continua-t-elle en se levant et en lui tapant sur l’épaule. Je ne te forcerai point au mariage. À quoi cela serait-il bon ? Ma liberté m’est plus chère. Je sais un meilleur moyen d’assurer mon avenir.

— Un meilleur moyen ! gémit le fermier général, qui s’était trop tôt remis de l’alerte.

— Comme tu es devenu naïf !

La petite Gaussin éclata de rire et dansa, exubérante, à travers la chambre.

— Ce serait à désespérer, s’il me fallait voir partout à mes côtés, au théâtre, dans ma loge, dans ma voiture, à la promenade, votre visage ennuyé et renfrogné. Ma sangsue financière, vous vous êtes suffisamment nourrie des meilleurs sucs de la France, à notre tour de vous saigner. Non, monsieur de Saint-Renaud, je n’écrirai point de contrat sur la feuille blanche, mais un chèque de cinq millions de francs.

— Vous perdez le sens, Mademoiselle, s’écria Saint-Renaud.